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Les proies de l'officier

Les proies de l'officier

Titel: Les proies de l'officier
Autoren: Armand Cabasson
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déception ne fut que la première d’une longue série. Napoléon s’aperçut vite qu’il lui était impossible de prendre ses quartiers d’hiver à Smolensk. La ville n’était qu’une ruine et on y manquait de vivres. De plus, au nord-ouest, les cinquante mille Russes de Wittgenstein accentuaient leur pression sur le maréchal Gouvion-Saint-Cyr qui avait été battu à la mi-octobre à Polotsk. De même, au sud, l’armée de Moravie, sous les ordres de l’amiral Tchitchagov, renforcée par l’armée de Tormasov, rendue disponible grâce à la paix avec la Turquie, avait fait reculer les Autrichiens de Schwarzenberg et les Français de Reynier. La Grande Armée risquait de se retrouver encerclée par des forces considérables. La retraite reprit donc, tandis que la température atteignait les moins vingt degrés. Il ne restait que quarante mille hommes à faire partie de l’armée autour desquels gravitaient des milliers de gens désarmés.
    Koutouzov tentait de placer son armée entre les corps français de façon à les anéantir séparément. Le 16 novembre, à Krasnoïé, le 4 e corps, qui ne comptait plus que six mille hommes, dut forcer le passage alors que vingt mille Russes commandés par le général Miloradovitch lui barraient la route. Deux mille Français périrent. Le colonel Fidassio fut tué, sabré à la carotide par un hussard alors qu’il lançait en personne une contre-attaque. Le capitaine Nedroni, en ombre fidèle, périt quelques minutes plus tard, cloué contre un bouleau par la lance d’un cosaque. Le colonel Barguelot, lui, n’était pas à son poste. Il ne regagna son régiment que le lendemain. Il raconta qu’il avait été capturé par des hussards, mais qu’il avait réussi à s’échapper en profitant d’une échauffourée entre les sentinelles qui gardaient les prisonniers et des paysans russes fanatiques venus exterminer les captifs. Le colonel Pirgnon survécut malgré les très lourdes pertes de la division Broussier.
    Margont était d’humeur sombre. Son changement de tactique, à savoir récupérer la lettre envoyée à Barguelot par Pirgnon, avait tourné court. Rien dans ce document ne permettait d’affirmer la culpabilité de Pirgnon. Cette absence de preuve l’exaspérait. Il lui semblait vivre la pire situation imaginable : voir un assassin aller et venir librement parce qu’il manquait un tout petit quelque chose pour mettre en route l’immense mécanique judiciaire. Alors il tournait et retournait les éléments dans sa tête, repensant aux lieux des crimes, à ses discussions avec les témoins, aux indices... Il imaginait mille possibilités : tendre un autre piège, tout raconter au prince Eugène, discuter avec Pirgnon pour tenter de... mais pour tenter quoi exactement, d’ailleurs ? Et toutes ces pensées tournoyaient pendant des heures avant de le ramener immanquablement à son point de départ : il était bloqué, un point c’est tout.
    Il informa donc le capitaine Dalero de l’avancée de son enquête. Il remit également une lettre cachetée à Saber, à Piquebois et à six autres amis de différents régiments. Si Lefine et lui venaient à être tués, ces courriers devraient être transmis au prince Eugène.
    *
*   *
    Les nuits étaient devenues interminables. Seize heures durant lesquelles la température tombait à moins vingt-huit degrés. Margont, Lefine, Saber, Piquebois et treize soldats étaient tassés les uns contre les autres, constituant un relief sombre que la neige recouvrait petit à petit, comme une anomalie du paysage à effacer. C’était tout ce qui restait de deux compagnies soit, autrefois, deux cent quarante fusiliers. Lefine, qui montait la garde, ne cessait de jeter des coups d’oeil sur la montre que Margont lui avait prêtée. Il attendait avec impatience la fin de l’heure et se demandait s’il n’y avait pas moyen d’avancer les aiguilles de disons cinq... non, sept minutes. Il alimentait les feux avec des rondins pris dans les ruines d’une isba. Ses mollets s’enfonçaient dans la neige qui s’accrochait à lui comme pour l’inviter à s’allonger à son tour pour se laisser recouvrir de son linceul. Sa vue ne portait pas loin à cause des flocons et des arbres alentour. Il était vigilant, de peur qu’un cosaque ne jaillisse dans son dos pour l’égorger. À moins que ce ne soit un pillard. Soudain, de grands cris retentirent : « Hourra ! Hourra ! Paris ! Paris ! »
    — Aux
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