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Les prisonniers de Cabrera

Les prisonniers de Cabrera

Titel: Les prisonniers de Cabrera
Autoren: Michel Peyramaure
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n’avais pas été remplacée, auquel cas j’aurais fait retraite et tu n’aurais plus entendu parler de moi. Je me suis renseignée auprès du marchand de tabac de Larche, en cachant mon identité, comme tu peux le deviner. Il est donc vrai que tu vis seul ? Seul et… sans la moindre compagne dans les parages ?
    J’éliminai Laure dans l’instant et répondis que je n’avais aucune attache sentimentale. Elle ajouta :
    — Et… serais-tu prêt à envisager une nouvelle vie commune ?
    — J’attends cela depuis des années, ma chérie. Tu ne peux savoir les tourments que cette attente m’a fait endurer.
    En me retournant pour la prendre dans mes bras et couvrir son visage de baisers, je reconnus le parfum dont elle usait jadis.
    — Juliette, repris-je, épargnons-nous le couplet du repentir ou des griefs. L’essentiel est que tu sois là. Quelque chose me disait que tu me reviendrais. Il faut toujours écouter ces voix que l’on est seul à entendre et qui prennent leur source dans le futur.
    Tandis qu’aidé de Delpeyroux je transportais sa lourde malle dans l’entrée, elle conduisit à l’écurie sa jument, appelée Caramelle en raison de la couleur de sa robe. De retour, elle se laissa choir dans un fauteuil et me dit :
    — Je suis heureuse que tu aies redonné à cette maison l’aspect qu’elle avait jadis. Tout est en ordre et rien ne manque. Si, peut-être… La table Louis XV. T’en serais-tu débarrassé ?
    — Elle est dans la chambre d’Eugène, dont j’ai fait mon cabinet pour des travaux d’écriture dont je te parlerai.
    — Tu es donc toujours très attaché à cette maison ?
    — Moins que tu ne le crois. Si tu n’étais pas revenue avant la fin de cette année, je l’aurais vendue et j’aurais pris une autre épouse.
    — Je connais l’heureuse élue ?
    — J’en doute ! Quand tu es partie, c’était encore une gamine, mais quand je suis revenu, c’était déjà une femme. Je préfère garder secrète son identité, mais tu seras sans doute appelée à la rencontrer.
    — Je ne voudrais pas constituer un obstacle à ce projet, et…
    — Ce n’est même pas un projet ! N’y pensons plus. De même, je te saurai gré de ne pas me parler de ton… de ton ami.
    — Sais-tu, Laurent, que tu me surprends ? Je m’attendais à un autre accueil, et le redoutais. Tu aurais pu m’accabler de récriminations, peut-être m’interdire cette maison, me contraindre à me replier auprès de mon frère, à Dijon, pour m’occuper de l’avenir d’Eugène. Ta mansuétude me confond et me ravit.
    — Je ne puis te reprocher qu’une chose, ma chérie : ne pas avoir tenté plus tôt de reprendre contact avec moi.
    Une ombre passa sur son visage. Elle se leva, s’approcha de la cheminée et, dégantée, tendit ses mains au feu.
    — J’aurais dû le faire, j’en ai conscience, mais ça m’était impossible.
    — Vraiment ?
    — Vraiment ! Il faut me croire si je te dis que j’étais séquestrée par la famille de Rodolphe, mon ami. Son père ne pouvait se résoudre à croire qu’il eût été tué devant Toulouse par les Anglais de Wellington. Il est bel et bien mort : j’ai vu son cadavre. Je dois t’avouer que j’ai eu un enfant de lui, Clément. Il vient d’avoir quatre ans.
    Ébahi, je lui demandai de répéter ce mot qui me paraissait outré : séquestrée.
    — Ce n’est pas une image. Je l’étais vraiment, enfermée le jour dans ma chambre gardée par une sorte de cerbère, avec une promenade d’une heure chaque soir dans le jardin, sous surveillance. Comme si j’avais pu m’envoler !
    — C’est pourtant ce que tu as fait, il me semble !
    Elle se retourna vers moi. Je crus qu’elle allait réagir vivement contre la nature dubitative de ma question. Elle ajouta, d’une voix pondérée :
    — Par un sursaut de volonté, oui ! J’ai décidé que j’étais encore trop jeune pour finir ma vie au milieu de ces fossiles vivants, et que ma vie était auprès de toi. Alors j’ai acheté ma liberté au prix fort, en offrant mes bijoux au cerbère. Une nuit, il m’a aidée à partir en calèche, et adieu Dijon ! J’ai eu quelque scrupule à leur laisser Clément, mais je sais qu’ils prendront soin de lui. Peut-être chercheront-ils à me retrouver, mais ils n’ont aucun recours contre moi. Aucune loi ne peut interdire
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