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Les prisonniers de Cabrera

Les prisonniers de Cabrera

Titel: Les prisonniers de Cabrera
Autoren: Michel Peyramaure
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à consulter et pour mon travail d’écriture, me servirait de bureau. Je trouvai chez un papetier de Terrasson des liasses de papier, des plumes, de l’encre et une grande carte d’Espagne. Sans Cabrera, mais j’avais sa topographie dans la tête.
    Par les gazettes que je me procurais à Brive, dans un cabinet de lecture, j’avais connaissance des événements qui agitaient le pays sous le règne de ce poussah, Sa Majesté Louis XVIII.
    Le général Dupont de l’Etang avait été remplacé au ministère de la Guerre par le général Soult, qui, rallié aux Bourbons après la bataille de Toulouse contre Wellington, attendait son bâton de maréchal… La paix avait été signée entre les alliés. Une cérémonie expiatoire avait été organisée pour l’anniversaire de la mort de Louis XVI ; ses restes et ceux de la reine avaient été inhumés à Saint-Denis. Autre nouvelle, mais qui me réjouit : le curé de Saint-Roch, à Paris, avait été contraint par la foule de célébrer la messe funèbre d’une actrice, mademoiselle Raucourt, bravant ainsi les décrets de l’Église…
     
    En Espagne, après la défaite du général Soult à Irun, le rideau était tombé sur l’un des drames les plus sanglants de notre histoire. Le jeune roi Ferdinand n’avait trouvé aucun  afrancesado  pour lui barrer la route du trône. Du sort des prisonniers de cette guerre abominable, pas un mot, comme si l’on persistait à vouloir oublier une image de honte.
    Et pourtant…
    À en croire le bilan établi par le général Marcellin Marbot, nous avons laissé dans les sierras plus de deux cent mille soldats français, un chiffre auquel il convient d’ajouter les pertes de nos contingents étrangers.
    En haut lieu, a-t-on tiré les leçons de cet effroyable bilan ? A-t-on compris que, contre le patriotisme d’une nation, une armée, si nombreuse et bien armée soit-elle, est impuissante ? En tiendra-t-on compte, à l’avenir ?
    Une correspondance avec le ministre de la Guerre m’a confirmé l’identité du séducteur de mon épouse, Rodolphe Dietrich, originaire de la Lorraine. J’appris avec une âpre satisfaction qu’il avait trouvé la mort sous les murs de Toulouse, avec un courage qui lui avait valu la Légion d’honneur à titre posthume. Quant à savoir ce qu’était devenue sa compagne, Marguerite, nul ne put m’en informer, du fait de son état de concubine. Elle avait disparu dans la tourmente.
     
    Un matin de juillet, alors que je me trouvais à Larche pour acheter du tabac pour ma pipe, qui avait remplacé le cigare, une foule agitée déborda de la boutique en secouant des gazettes et en criant : « Vive l’Empereur ! »
    J’appris ainsi que Napoléon, évadé de l’île d’Elbe, avait repris pied sur la côte provençale et marchait sur Paris, entouré d’une immense ferveur populaire.
    Le notaire de Larche, avec qui j’avais d’excellents rapports, m’offrit à boire et me dit, d’une voix brisée par l’émotion :
    — L’histoire, monsieur, est une chose singulière. Il suffit d’un coup de vent pour faire tourner ses pages. Celui-ci est une tornade. Un jour nous avons la République, un autre l’Empire, puis la royauté et de nouveau l’Empire, en attendant, qui sait ? que revienne la République. J’en suis étourdi. Comme il est prudent de hurler, avec les loups, « Vive l’Empereur ! », monsieur, mais qu’il nous épargne de nouvelles guerres !
    Arrivés pour dissiper ce qu’ils croyaient être une émeute, deux gendarmes descendirent de cheval et, apprenant la nouvelle, firent danser leurs bottes, brandirent leur chapeau et réclamèrent du vin.
    L’épopée dite des « Cent-Jours » avait débuté ; les aigles impériales, ressuscitées, « volaient de clocher en clocher vers la capitale », lisait-on dans les journaux. Je ne partageais pas l’enthousiasme populaire, persuadé que cet événement allait être le prélude à de nouveaux conflits.
     
    De retour à Puymège, j’informai Delpeyroux de la nouvelle. Homme de bon sens, il partageait mes inquiétudes :
    — Nous étions bien tranquilles sans lui, monsieur Laurent. Il aurait mieux fait de rester dans son île. J’ai des craintes pour René : il est en âge d’être conscrit. Et vous, jeune encore et en bonne santé, je crains qu’on ne vienne vous chercher…
    J’ai
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