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Les Poisons de la couronne

Les Poisons de la couronne

Titel: Les Poisons de la couronne
Autoren: Maurice Druon
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toutes les
misères, et faisait sans cesse arrêter sa litière pour distribuer des aumônes.
Bouville était forcé de s’interposer, et s’appliquait à calmer cette ardeur de
bonté.
    — Si vous donnez de ce train,
Madame, nous n’aurons plus de quoi gagner Paris.
    Ce fut en arrivant à Vienne, chez sa
sœur Béatrice, dauphine de Viennois, que Clémence apprit que Louis X
venait de partir en guerre contre la Flandre.
    — Seigneur mon Dieu,
murmura-t-elle, vais-je être veuve avant même que d’avoir vu mon époux ?
Et ne vais-je en pays de France que pour y accompagner le malheur ?
     

V

LE ROI PREND L’ORIFLAMME
    Enguerrand de Marigny avait été
accusé naguère de s’être vendu aux Flamands en négociant avec eux un traité de
paix qui les avantageait. C’était même là le premier des quarante et un chefs
d’accusation retenus contre lui.
    Or, à peine Marigny pendu aux
chaînes de Montfaucon, le comte de Flandre rompait le traité. Pour ce faire, il
s’y prit de la manière la plus simple : il refusa, bien qu’il en eût reçu
semonce, de venir à Paris rendre hommage au nouveau roi. Du même coup, il
cessait de payer les redevances et réaffirmait ses revendications territoriales
sur Lille et sur Douai.
    À cette nouvelle, Louis X
s’abandonna à l’une de ces colères démentes par lesquelles il croyait se
montrer royal et qui lui avaient valu son surnom de Hutin ; sa rage
dépassa en violence tout ce qu’il avait prouvé jusque-là.
    Tournant dans son cabinet comme un
blaireau en cage, les cheveux désordonnés, les joues empourprées, brisant les
objets, renversant les sièges, il proféra pendant plusieurs heures des mots
sans lien, interrompu seulement dans ses hurlements par des quintes de toux qui
le pliaient en deux.
    — La subvention ! Des
gibets, il me faut des gibets ! Je rétablis la subvention… Et que fait
Madame de Hongrie ? Qu’elle se hâte à cheminer ! À genoux, à genoux
le comte de Flandre ! Et mon pied sur sa tête ! Bruges ? Du
feu ! J’y mettrai le feu !
    Tout se mêlait, le nom des villes
révoltées, la promesse des châtiments, et même la tempête qui avait retardé
l’arrivée de sa nouvelle épouse. Mais le mot qu’il répétait le plus souvent
était celui de subvention, car il venait quelques jours plus tôt, sur l’avis de
Charles de Valois, de clore la levée des impôts exceptionnels destinés à
couvrir les frais de l’expédition ordonnée par son père, l’année précédente.
    Alors on commença, sans oser le dire
ouvertement, à regretter Marigny et la manière qu’il avait de traiter ce genre
de soulèvements, lorsqu’il répondait, par exemple, à l’abbé Simon de Pisé qui
l’informait, un certain été, de l’agitation des Flamands : « Cette
grande ardeur ne m’étonne pas, frère Simon, c’est l’effet de la chaleur. Nos
seigneurs aussi sont ardents et épris de la guerre. Et vraiment, sachez que le
royaume de France ne se laisse pas dépecer par paroles ; il y faut autres
œuvres. » On souhaita reprendre le même ton ; malheureusement,
l’homme qui pouvait parler ainsi n’était plus de ce monde.
    Encouragé par Valois, qui n’était
jamais las de prouver ses hautes vertus de capitaine, le Hutin se mit à rêver
de prouesses. Il allait réunir la plus grande armée encore vue en France,
fondre comme l’aigle sur les Flamands rebelles, en tailler plusieurs milliers
en pièces, rançonner les autres, les réduire à merci dans la semaine et, là où
Philippe le Bel n’avait pu réussir, montrer, lui, ce dont il était capable. Il
se voyait déjà revenant, précédé des étendards du triomphe, ses coffres
regarnis par le butin et les tributs imposés aux villes, ayant à la fois
surpassé la mémoire de son père et effacé les déboires de son premier mariage.
Puis, du même élan, au milieu des ovations populaires, il arrivait au galop,
prince vainqueur et héros de bataille, pour accueillir sa nouvelle épouse et la
conduire à l’autel et au sacre.
    Ce jeune homme aurait pu être pris
en pitié, pour ce qu’il y a de douloureux toujours dans la bêtise, s’il n’avait
pas eu la charge de la France et de ses quinze millions d’âmes.
    Le 23 juin, il réunit la cour des
Pairs, bredouilla, mais avec violence, fit déclarer félon le comte de Flandre,
et décida de convoquer l’ost royal [7] pour le premier jour d’août, devant Courtrai.
    Le rendez-vous n’était pas des mieux
choisis ;
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