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Les hommes naissent tous le même jour - Crépuscule - Tome II

Les hommes naissent tous le même jour - Crépuscule - Tome II

Titel: Les hommes naissent tous le même jour - Crépuscule - Tome II
Autoren: Max Gallo
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petit milieu, tout le monde écrit. Qu’attendez-vous, Sarah ?
    Sarah prit la main d’Allen.
    — Vous n’êtes pas bien, Allen, pas bien du tout.
    — La guerre, dit-il.
    Sarah secoua la tête. Ils restèrent un long moment silencieux, écoutant les bruits de voix qui venaient du salon.
    — Vous ne connaissez pas Gilbert Jaspars, le père de Catherine ? dit Sarah. Vous l’entendez ?
    Une voix sonore à l’accent méridional dominait souvent le brouhaha, « la paix, la paix, je dis, je répète ce qu’a écrit Marcel Déat :“ mourir pour Dantzig”, c’est con, con ».
    — S’il y a un con, disait Serge Cordelier.
    Il entrait dans le bureau, s’asseyait lourdement sur le divan, faisant sursauter le chat. Il croisait les mains derrière la nuque, fermait les yeux, la peau du visage creusée de fines rides. Allen, qui ne l’avait plus revu depuis un an, depuis son séjour au Mas Cordelier, à Cabris, au début du mois de janvier 1939, le trouvait amaigri, tendu.
    — Excusez-moi, dit Cordelier.
    Il entourait de son bras les épaules de Sarah.
    — Il y a des propos que je ne peux plus entendre, reprit-il.
    — Je vous laisse, dit Sarah. Moi, je ne veux pas être pessimiste et comme vous l’êtes, tous les deux…
    Elle plaça le chat sur les genoux d’Allen.
    — Occupez-vous de lui, dit-elle, aimez-le il vous aimera – elle s’éloigna, revint – les chats sont comme les femmes, Allen. Ils devinent.
    Elle sortit du bureau et ils l’entendirent qui improvisait au piano puis commençait à chanter en polonais, accompagnée par la voix grave de Mietek Graevski.
    — Sarah ne se trompe pas, dit Serge Cordelier, je suis très pessimiste. Personne ne veut tirer les leçons de la victoire allemande en Pologne. Personne.
    Il se leva, alla s’asseoir à son bureau.
    — J’étais sur le front du Rhin, avec une mission parlementaire britannique. Vous savez ce que fait l’armée française, Gallway ? Elle joue aux cartes. Les soldats et les sous-officiers à la belote. Les officiers au bridge.
    — Et le poker ? demanda Allen.
    Il chassait le chat. Il se sentait amer. Il avait envie de boire pour user le temps.
    — Trop de risques au poker, dit Cordelier.
    — J’ai soif, dit Allen.
    Dans le salon il reconnut Mietek Graevski qui gesticulait ; près de lui Héloïse, le bras gauche dans le plâtre, rêvait, lointaine ; le docteur Lazievitch se tenait à l’écart, indifférent, les yeux mi-clos. Nathalia Berelovitz passait au milieu des groupes, offrant à boire. Allen s’approcha, prit deux coupes qu’il vida d’un seul trait, puis deux autres. Il s’inclina, riant tout à coup tant l’expression de Nathalia Berelovitz exprimait la surprise.
    — Vous aimez notre champagne, Monsieur Gallway.
    Gilbert Jaspars s’était approché d’Allen, il riait aussi.
    — Nous ne nous connaissons pas, dit-il – il tendait sa main – Gilbert Jaspars, je crois que vous rencontrez ma fille quelquefois.
    Petit et vigoureux avec une tête léonine, des cheveux blancs en désordre, Jaspars paraissait à peine la cinquantaine. Allen montra ses deux coupes d’un mouvement du menton, Jaspars retira la main, rit de plus belle.
    — Vous n’avez rien lu de moi, je n’ai rien lu de vous, reprenait-il, c’est mieux comme ça, pas de politesse et puis vous n’êtes pas un écrivain français, pas de concurrence.
    Il buvait à petites gorgées, tournait la tête :
    — Voyez-vous, Gallway, voilà une soirée très parisienne. Je suis le seul Français ou presque, les autres…
    Il fit un geste de la main qui pouvait signifier, quelle importance mais aussi : il faudrait chasser tous ces gens-là. Allen vida les deux coupes bruyamment tout en regardant Jaspars fixement.
    — Pourquoi ne les fusillez-vous pas ? dit-il. On fait ça en Allemagne.
    Jaspars qui hésitait sur l’attitude à prendre, but, se mit à rire.
    — Vous êtes sympathique, Gallway. Gall, Gallway, vous avez sûrement des origines celtes.
    Allen lui tourna le dos, alla s’asseoir près du docteur Lazievitch. Ils demeurèrent silencieux, puis sans bouger la tête Lazievitch dit à voix basse :
    — J’ai lu vos articles sur la Pologne, horrible ce massacre.
    — La guerre, murmura Allen, la guerre.
    Il se souvint de cette femme qui, à Barcelone – Tina venait de partir, Tina qu’il n’avait pas retenue – fouillait les ruines de sa maison, découvrait une poupée maculée et la serrait contre elle
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