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Les héritiers

Les héritiers

Titel: Les héritiers
Autoren: Jean-Pierre Charland
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bonne distance de l’orchestre, douze personnes formaient un cercle encore incomplet. Amélie fut la première à les voir. Elle leva la main pour attirer leur attention, annonça au moment où ils s’approchaient :
    — Je vous ai gardé une place près de moi.
    Avant de s’asseoir, le couple dut commencer par faire un demi-tour de table afin de serrer la main des représentants du clan Langlois. Si la jeune secrétaire s’inquiétait { la fois de sa mise et de sa contenance dans cette vaste assemblée de notables, ces gens paraissaient terrorisés. Dans leur meilleur habit du dimanche, ils jetaient des regards craint ifs sur le décor, le couvert, les gens autour d’eux.
    Quand les nouveaux venus purent enfin occuper leur siège, Mathieu se pencha un peu pour apercevoir A Ici de Davoine trois places plus loin et demander :
    — Ma petite sœur ne te fait pas trop la vie dure ? Souvent, elle devient très passionnée.
    Thalie fronça les sourcils, guère certaine d’apprécier cet humour. Heureusement, le jeune médecin s’empressa de sauver la situation :

    — Au contraire, je trouve ses opinions sur le droit de vote des femmes, ou leur accès aux professions, très raisonnables.
    Sa compagne le remercia d’un sourire. Tous les deux avaient compris au premier regard qu’ils ne se reverraient jamais. Libérés de cette tension, ils entendaient maintenant tirer le meilleur parti de cette soirée.
    — Alcide m’a aussi raconté combien tu le tenais éveillé une nuit sur deux, à tourner en rond dans ta petite suite, commenta la jeune étudiante.
    — . . Je croyais que cela tombait sous le sceau du secret professionnel, protesta son frère.
    — Mais non. C’était juste du commérage sur mon voisin du dessus. Si j’évoquais la prescription pour du cognac, cela serait trahir un secret professionnel. .
    Le médecin s’arrêta, affecta de se troubler avant de laisser échapper :
    — Oups ! J’ai trop parlé, je crois.
    Les jeunes gens parlaient tout bas, ce genre d’allusion ne risquait pas d’ameuter les autres convives, même s’ils se trouvaient des « secs » parmi eux. De l’autre côté de la table, Paul Dubuc posait des questions au père de son futur gendre, écoutait les réponses avec la sympathie factice d’un homme rompu à la politique.
    Celui-ci travaillait { la comptabilité d’une entreprise d’importation située dans la Basse-Ville. Son fils cadet suivait ses traces au terme de ses études chez les Frères des Ecoles chrétiennes, alors que son aîné avait préféré tenter sa chance du côté de la Banque de Montréal.
    Pendant ce temps, la mère du fiancé gardait ses yeux résolument fixés sur ses mains usées par les travaux ménagers.
    Depuis son arrivée au Château Frontenac, elle supputait des chances de succès d’un mariage entre des jeunes gens issus de milieux tellement différents.
    Quand la pauvre femme levait le regard, c’était pour contempler discrètement sa future belle-fille. Elle devait la recevoir { dîner dans l’appartement du quartier Saint-Jean-Baptiste, le prochain dimanche. Cela l’angoissait depuis des jours.
    Amélie paraissait au-dessus de ces considérations. Son cavalier, le fils d’un avocat de la Haute-Ville, trouvait un peu étrange cet assemblage de personnes, mais les grands yeux bleus de sa compagne suffisaient à le rassurer. Celle-ci se penchait justement pour dire :
    — Flavie, je suis heureuse de vous revoir.
    La déclaration prit l’autre au dépourvu.
    — Je suis aussi heureuse d’être l{.
    Le pieux mensonge ne la fit pas rougir, ni même la main de Thalie qui lui pinça l’avant-bras à ce moment.
    — Vous devriez venir à la maison plus souvent.
    En réalité, la secrétaire se dérobait à chacune des invitations de Mathieu. L’agitation autour d’eux lui évita de devoir répondre. Certains convives, une fois le repas terminé, se dirigeaient vers la piste de danse. Son compagnon venait de terminer son dessert. Il vint à son secours en proposant :
    — Tu viens? Je suis curieux de voir si je me souviens encore des pas.
    Le jeune homme se leva, tendit la main.
    — Mais je ne sais pas.
    — Voyons, tes hanches dansent quand tu marches. Tu n’auras aucun mal { suivre le rythme. Je te guiderai.
    La précision la rassura juste à moitié, mais elle accepta de le suivre. Comme Thalie fixait les yeux de son cavalier, il remarqua :
    — Je suppose que vous me guiderez aussi.
    — Ah ! Mais pour qui me prenez-vous ?
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