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Les fiancés de Venise

Les fiancés de Venise

Titel: Les fiancés de Venise
Autoren: Nicolas Remin
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exige un déplacement à Paris. Voilà un an que je lui sors ces arguments. De ce fait, elle commence à se demander si…
    — Nous nous aimons encore ?
    Il hocha la tête.
    — Et toi aussi à présent ?
    — Je ne suis pas assez égocentrique pour ne pas comprendre tes doutes. Tu as besoin d’espace et, par ce mariage, tu renoncerais à une part de liberté. En outre, j’ai moi aussi une raison de ne pas te presser.
    — Laquelle ?
    Il hésita quelques secondes.
    — Ton argent. Tu n’ignores pas dans quel état se trouve notre palais. Trop de mariages à Venise sont motivés par l’argent.
    — Mais n’aurais-tu pas envie de quitter la police et de te consacrer tout entier à l’ Emporio della Poesia  ? l’interrogea-t-elle. Tu te plains sans cesse de n’avoir pas assez de temps pour tes activités d’éditeur.
    — Même si j’avais de l’argent, je ne renoncerais pas à mon métier de commissaire. Sans lui, je ne m’occuperais sans doute plus que de la revue et perdrais tout contact avec la réalité.
    — Il existe d’autres moyens de ne pas perdre la tête. Tu te souviens de ma proposition de prendre en charge la distribution de nos produits dans l’Empire austro-hongrois ?
    — Cela ne m’attire pas.
    — On dirait toujours que je veux t’envoyer jouer le voyageur de commerce avec une valise d’échantillons !
    — Tu ne vas m’envoyer nulle part. J’ai bien l’intention de continuer à me rendre tous les matins à la questure. Mon salaire me suffit.
    — Si ton salaire suffisait, vous ne seriez pas contraints de vous séparer tous les semestres d’une partie de votre patrimoine. Un jour viendra où vous aurez vendu le dernier tableau et la dernière commode. Que ferez-vous à ce moment-là ? Brader le palais ?
    Elle le regarda un instant avec attention.
    — En fait, tu n’as pas du tout peur de perdre contact avec la réalité. J’ai raison ?
    Il constata que jusqu’à présent il avait toujours évité de se demander pourquoi il allait chaque jour au commissariat. Bien entendu, il avait besoin du salaire sans lequel ils ne pourraient survivre. L’argument ne valait pas la peine qu’on s’y attarde. Il était tout aussi vrai que son travail de policier l’aidait à ne pas perdre contact avec la réalité. Mais la princesse voyait juste. Ce n’était pas tout.
    Il tourna la tête et regarda par la fenêtre. La pluie s’était un peu calmée ; elle restait pourtant si forte que les façades de l’autre côté du Grand Canal disparaissaient toujours dans une vapeur grise.
    — J’aime avoir le sentiment de me livrer à une activité dont la valeur ne peut se traduire en argent. Je crains moins de vendre le palais Tron que de me vendre moi-même.
    — Est-ce la raison pour laquelle tu ne me presses pas au mariage ? Parce que tu as l’impression qu’après les Tiepolo et les Piazzetta, j’ai envie d’acheter un Tron ?
    — Ce serait prétentieux et arrogant.
    — Parfaitement. Mais tu es un peu prétentieux et arrogant. Pas beaucoup, mais un peu.
    — Possible.
    Elle sourit.
    — Avoue !
    — Si tu y tiens.
    Tron se leva, fit le tour de la table et se pencha pour l’embrasser.
    — Tu dois partir ?
    Il hocha la tête tout en ôtant sa veste d’appartement.
    — Nous déjeunons à une heure. Alessandro déteste que je sois en retard.
    Elle le suivit du regard à travers la pièce. Quand il eut enfilé son manteau, il se retourna une dernière fois pour lui sourire. Il était mince et, dans sa redingote élimée, avec son haut-de-forme avachi et sa canne à la main, il n’avait pas beaucoup d’allure.
     
    Après avoir entendu ses pas s’éloigner dans le vestibule, elle quitta son siège et s’approcha du guéridon sur lequel le domestique avait déposé le courrier. Elle trouva aussitôt ce qu’elle cherchait : l’écriture ne faisait aucun doute. Tout à l’heure, alors qu’elle survolait des yeux le tas de lettres, son cœur s’était arrêté de battre un instant. Par bonheur, Tron semblait ne s’être aperçu de rien.
    Elle s’avança vers une console surplombée d’un immense Piazzetta, se servit un cognac qu’elle vida d’un trait, revint s’asseoir sur la méridienne et rompit le cachet de cire. Elle s’en voulait d’avoir les mains tremblantes.
    Le message ne comprenait que quelques lignes. Toutefois, elle reconnut la subtile ironie qui relevait également sa conversation et l’avait si souvent irritée
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