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Les fiancés de Venise

Les fiancés de Venise

Titel: Les fiancés de Venise
Autoren: Nicolas Remin
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autrefois. Il lui annonçait qu’il se trouvait à Venise depuis deux jours, regrettait de n’avoir pu la prévenir à temps, mais – loin de s’en excuser – la priait au contraire de lui rendre visite le jour même . Il logeait sur le rio della Madonna dell’Orto à Cannaregio.
    Pendant un moment, les mots sous ses yeux se brouillèrent comme des silhouettes à travers une vitre battue par la pluie. Elle ne put s’empêcher de songer à leur rencontre – tout aussi inopinée que la présente missive – dans le salon de la duchesse de Berry à Paris. Un fantôme avait surgi d’un passé dont elle croyait s’être libérée depuis longtemps.
    La princesse se leva, laissa la lettre virevolter par terre et s’approcha de la fenêtre. La pluie avait cessé. Une clarté inattendue faisait luire les fils d’or des rideaux en brocart. Un sandalo venant de la Dogana 1 remontait le Grand Canal avec lenteur. Elle regarda le rameur aux prises avec le froid et l’humidité, puis revint à sa place et tira le cordon de la sonnette qui pendait au mur au-dessus de la méridienne. Quand le domestique entra, le son de sa propre voix lui rendit son assurance.
    — Ordonne à Antonio de préparer la gondole – tout de suite !
    1 - Douane. ( N.d.T. )

4
    — Nous pourrions résilier le bail des Agnelli pour la fin de l’année, suggéra la comtesse. De cette manière, l’étage serait libre.
    Elle laissa cette idée planer dans l’air comme la tasse de café qu’elle tenait entre le pouce et l’index. Ses cheveux gris et sa robe de foulard écru soulignaient sa distinction naturelle. Elle possédait, se dit Tron, la même élégance que la sala degli arazzi , le salon aux tapisseries dans lequel sa mère préférait prendre ses repas tant que la température le permettait.
    Au premier abord, les décorations de table et les chandeliers en argent produisaient une impression d’opulence. En vérité, les maigres côtelettes avaient été précédées par une amère soupe de poissons, remplie surtout d’arêtes capables de transpercer le cœur de Dracula. Alessandro, qui avait fait le service en livrée et gants blancs, était reparti en cuisine.
    — Pas pour moi, bien sûr, poursuivit la comtesse. Cela rajouterait deux escaliers et je ne suis plus toute jeune.
    Tron releva la tête et se risqua à jeter un coup d’œil de l’autre côté de la table. Sa mère avait posé la tasse et s’emparait de la bouteille de grappa afin d’allonger copieusement son petit noir. Il savait d’avance ce qu’elle allait dire, à savoir que l’étage supérieur de leur palais était idéal pour la princesse et lui.
    — En revanche, c’est tout à fait ce qu’il vous faut.
    Eh bien, voilà. Gagné ! Presque mot pour mot. La comtesse porta la tasse à ses lèvres, but une bonne rasade et s’appuya sur le dossier en expirant avec force. Ses yeux luisaient comme de l’argent poli. Tron estima que le café devait maintenant se composer pour moitié de grappa.
    — Je crois qu’il est encore un peu tôt pour décider de l’endroit où nous habiterons, objecta-t-il.
    — Je me demande bien ce qu’il y a à décider.
    — Maria pourrait avoir envie de loger ailleurs.
    La comtesse balaya l’obstacle d’un geste de la main.
    — Une fois qu’elle sera ta femme, elle va bien entendu vivre ici. De cette manière, je pourrai la prendre sous mon aile et ajouter la dernière touche.
    — Tu as l’impression qu’elle en a besoin ?
    — Les détails comptent plus que tout.
    — Nous n’avons pas encore parlé de cela, s’entêta Tron.
    — Mais je ne vois aucune raison d’en parler ! Il est vrai qu’avec la princesse, on ne sait jamais…
    La comtesse poussa un soupir résigné, un soupir de martyre.
    — Que veux-tu dire ?
    — Elle pourrait très bien avoir l’idée de te faire emménager au palais Balbi-Valier.
    Le commissaire hocha la tête.
    — Ce n’est pas exclu, en effet.
    — Tu vas devoir mettre les choses au point, Alvise.
    — Quelle idée ridicule !
    — Veux-tu laisser entendre par là qu’elle ne respecte pas la volonté de son futur mari ?
    — Si. Au même degré que je respecte la sienne.
    — Cette réponse manque de clarté.
    — Il n’y a pas de réponse claire à une telle question.
    — Et les activités de la princesse ? En avez-vous déjà discuté ?
    — Je ne comprends pas ce que tu veux dire.
    — La place d’une femme est à la maison, Alvise. Il y aura bien
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