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Les Essais, Livre II

Les Essais, Livre II

Titel: Les Essais, Livre II
Autoren: Michel de Montaigne
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que vous leur ferez. Vous y recognoistrez ce
mesme port, et ce mesme air, que vous avez veu en sa conversation.
Quand j'eusse peu prendre quelque autre façon que la mienne
ordinaire, et quelque autre forme plus honorable et meilleure, je
ne l'eusse pas faict : car je ne veux tirer de ces escrits,
sinon qu'ils me representent à vostre memoire, au naturel. Ces
mesmes conditions et facultez, que vous avez pratiquées et
recueillies, Madame, avec beaucoup plus d'honneur et de courtoisie
qu'elles ne meritent, je les veux loger (mais sans alteration et
changement) en un corps solide, qui puisse durer quelques années,
ou quelques jours apres moy, où vous les retrouverez, quand il vous
plaira vous en refreschir la memoire, sans prendre autrement la
peine de vous en souvenir : aussi ne le vallent elles pas. Je
desire que vous continuez en moy, la faveur de vostre amitié, par
ces mesmes qualitez, par le moyen desquelles, elle a esté produite.
Je ne cherche aucunement qu'on m'ayme et estime mieux, mort, que
vivant.
    L'humeur de Tybere est ridicule, et commune pourtant, qui avoit
plus de soin d'estendre sa renommée à l'advenir, qu'il n'avoit de
se rendre estimable et aggreable aux hommes de son temps.
    Si j'estoy de ceux, à qui le monde peut devoir loüange, je l'en
quitteroy pour la moitié, et qu'il me la payast d'avance :
Qu'elle se hastast et ammoncelast tout autour de moy, plus espesse
qu'alongée, plus pleine que durable. Et qu'elle s'evanouist
hardiment, quand et ma cognoissance, et quand ce doux son ne
touchera plus mes oreilles.
    Ce seroit une sotte humeur, d'aller à cet'heure, que je suis
prest d'abandonner le commerce des hommes, me produire à eux, par
une nouvelle recommandation. Je ne fay nulle recepte des biens que
je n'ay peu employer à l'usage de ma vie. Quel que je soye, je le
veux estre ailleurs qu'en papier. Mon art et mon industrie ont esté
employez à me faire valoir moy-mesme. Mes estudes, à m'apprendre à
faire, non pas à escrire. J'ay mis tous mes efforts à former ma
vie. Voyla mon mestier et mon ouvrage. Je suis moins faiseur de
livres, que de nulle autre besongne. J'ay desiré de la suffisance,
pour le service de mes commoditez presentes et essentielles, non
pour en faire magasin, et reserve à mes heritiers.
    Qui a de la valeur, si le face cognoistre en ses moeurs, en ses
propos ordinaires : à traicter l'amour, ou des querelles, au
jeu, au lict, à la table, à la conduicte de ses affaires, à son
oeconomie. Ceux que je voy faire des bons livres sous des
meschantes chausses, eussent premierement faict leurs chausses,
s'ils m'en eussent creu. Demandez à un Spartiate, s'il ayme mieux
estre bon rhetoricien que bon soldat : non pas moy, que bon
cuisinier, si je n'avoy qui m'en servist.
    Mon Dieu, Madame, que je haïrois une telle recommandation,
d'estre habile homme par escrit, et estre un homme de neant, et un
sot, ailleurs. J'ayme mieux encore estre un sot, et icy, et là, que
d'avoir si mal choisi, où employer ma valeur. Aussi il s'en faut
tant que j'attende à me faire quelque nouvel honneur par ces
sottises, que je feray beaucoup, si je n'y en pers point, de ce peu
que j'en avois aquis. Car, outre ce que ceste peinture morte, et
muete, desrobera à mon estre naturel, elle ne se raporte pas à mon
meilleur estat, mais beaucoup descheu de ma premiere vigueur et
allegresse, tirant sur le flestry et le rance. Je suis sur le fond
du vaisseau, qui sent tantost le bas et la lye.
    Au demeurant, Madame, je n'eusse pas osé remuer si hardiment les
mysteres de la medecine, attendu le credit que vous et tant
d'autres luy donnez, si je n'y eusse esté acheminé par ses autheurs
mesmes. Je croy qu'ils n'en ont que deux anciens Latins, Pline et
Celsus. Si vous les voyez quelque jour, vous trouverez qu'ils
parlent bien plus rudement à leur art, que je ne fay : je ne
fay que la pincer, ils l'esgorgent. Pline se mocque entre autres
choses, dequoy quand ils sont au bout de leur corde, ils ont
inventé ceste belle deffaite, de r'envoyer les malades qu'ils ont
agitez et tormentez pour neant, de leurs drogues et regimes, les
uns, au secours des voeuz, et miracles, les autres aux eaux
chaudes. (Ne vous courroussez pas, Madame, il ne parle pas de
celles de deça, qui sont soubs la protection de vostre maison, et
toutes Gramontoises.) Ils ont une tierce sorte de deffaite, pour
nous chasser d'aupres d'eux, et se descharger des reproches, que
nous leur pouvons faire du peu d'amendement, à noz maux,
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