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Les Essais, Livre II

Les Essais, Livre II

Titel: Les Essais, Livre II
Autoren: Michel de Montaigne
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de la saignée, et confesse que c'est l'une des
causes principales du dommage, qui en estoit advenu. Davantage
leurs autheurs tiennent, qu'il n'y a aucune medecine, qui n'ait
quelque partie nuisible. Et si celles mesmes qui nous servent, nous
offencent aucunement, que doivent faire celles qu'on nous applique
du tout hors de propos ?
    De moy, quand il n'y auroit autre chose, j'estime qu'à ceux qui
hayssent le goust de la medecine, ce soit un dangereux effort, et
de prejudice, de l'aller avaller à une heure si incommode, avec
tant de contrecoeur : et croy que cela essaye merveilleusement
le malade, en une saison, où il a tant besoin de repos. Outre ce,
qu'à considerer les occasions, surquoy ils fondent ordinairement la
cause de noz maladies, elles sont si legeres et si delicates, que
j'argumente par là, qu'une bien petite erreur en la dispensation de
leurs drogues, peut nous apporter beaucoup de nuisance.
    Or si le mescomte du medecin est dangereux, il nous va bien
mal : car il est bien mal-aisé qu'il n'y retombe
souvent : il a besoin de trop de pieces, considerations, et
circonstances, pour affuster justement son dessein : Il faut
qu'il cognoisse la complexion du malade, sa temperature, ses
humeurs, ses inclinations, ses actions, ses pensements mesmes, et
ses imaginations. Il faut qu'il se responde des circonstances
externes, de la nature du lieu, condition de l'air et du temps,
assiette des planetes, et leurs influances : Qu'il sçache en
la maladie les causes, les signes, les affections, les jours
critiques : en la drogue, le poix, la force, le pays, la
figure, l'aage, la dispensation : et faut que toutes ces
pieces, il les sçache proportionner et rapporter l'une à l'autre,
pour en engendrer une parfaicte symmetrie. Aquoy s'il faut tant
soit peu, si de tant de ressorts, il y en a un tout seul, qui tire
à gauche, en voyla assez pour nous perdre. Dieu sçait, de quelle
difficulté est la cognoissance de la pluspart de ces parties :
car pour exemple, comment trouvera-il le signe propre de la
maladie ; chacune estant capable d'un infiny nombre de
signes ? Combien ont ils de debats entr'eux et de doubtes, sur
l'interpretation des urines ? Autrement d'où viendroit cette
altercation continuelle que nous voyons entr' eux sur la
cognoissance du mal ? Comment excuserions nous cette faute, où
ils tombent si souvent, de prendre martre pour renard ? Aux
maux, que j'ay eu, pour peu qu'il y eust de difficulté, je n'en ay
jamais trouvé trois d'accord. Je remarque plus volontiers les
exemples qui me touchent. Dernierement à Paris un gentil-homme fut
taillé par l'ordonnance des medecins, auquel on ne trouva de pierre
non plus à la vessie, qu'à la main ; et là mesmes, un Evesque
qui m'estoit fort amy, avoit esté instamment sollicité par la
pluspart des medecins, qu'il appelloit à son conseil, de se faire
tailler : j'aydoy moy mesme soubs la foy d'autruy, à le luy
suader : quand il fut trespassé, et qu'il fut ouvert, on
trouva qu'il n'avoit mal qu'aux reins. Ils sont moins excusables en
cette maladie, d'autant qu'elle est aucunement palpable. C'est par
là que la chirurgie me semble beaucoup plus certaine, par ce
qu'elle voit et manie ce qu'elle fait ; il y a moins à
conjecturer et à deviner. Là où les medecins n'ont point de
speculum matricis
, qui leur descouvre nostre cerveau,
nostre poulmon, et nostre foye.
    Les promesses mesmes de la medecine sont incroyables : Car
ayant à prouvoir à divers accidents et contraires, qui nous
pressent souvent ensemble, et qui ont une relation quasi
necessaire, comme la chaleur du foye, et froideur de l'estomach,
ils nous vont persuadant que de leurs ingrediens, cettuy-cy
eschauffera l'estomach, cet autre refraichira le foye : l'un a
sa charge d'aller droit aux reins, voire jusques à la vessie, sans
estaler ailleurs ses operations ; et conservant ses forces et
sa vertu, en ce long chemin et plein de destourbiers, jusques au
lieu, au service duquel il est destiné, par sa proprieté
occulte : l'autre assechera le cerveau : celuy là
humectera le poulmon. De tout cet amas, ayant fait une mixtion de
breuvage, n'est-ce pas quelque espece de resverie, d'esperer que
ces vertus s'aillent divisant, et triant de cette confusion et
meslange, pour courir à charges si diverses ? Je craindrois
infiniement qu'elles perdissent, ou eschangeassent leurs
ethiquettes, et troublassent leurs quartiers. Et qui pourroit
imaginer, qu'en cette confusion liquide, ces
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