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Les Essais, Livre II

Les Essais, Livre II

Titel: Les Essais, Livre II
Autoren: Michel de Montaigne
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de bien estre, je me meurs.
    Il y avoit en Ægypte une loy plus juste, par laquelle le medecin
prenoit son patient en charge les trois premiers jours, aux perils
et fortunes du patient : mais les trois jours passez, c'estoit
aux siens propres. Car quelle raison y a-il, qu'Æsculapius leur
patron ait esté frappé du foudre, pour avoir r'amené Hypolitus de
mort à vie,
    Nam pater omnipotens aliquem
indignatus ab umbris
Mortalem infernis, ad lumina surgere vitæ,
Ipse repertorem medicinæ talis, et artis
Fulmine Phoebigenam stygias detrusit ad undas 
:
    et ses suyvans soyent absous, qui envoyent tant d'ames de la vie
à la mort ?
    Un medecin vantoit à Nicoclés, son art estre de grande
auctorité : Vrayement c'est mon, dit Nicoclés, qui peut
impunement tuer tant de gens.
    Au demeurant, si j'eusse esté de leur conseil, j'eusse rendu ma
discipline plus sacrée et mysterieuse : ils avoyent assez bien
commencé, mais ils n'ont pas achevé de mesme. C'estoit un bon
commencement, d'avoir fait des dieux et des dæmons autheurs de leur
science, d'avoir pris un langage à part, une escriture à part. Quoy
qu'en sente la philosophie, que c'est folie de conseiller un homme
pour son profit, par maniere non intelligible :
Ut si quis
medicus imperet ut sumat
     
    Terrigenam, herbigradam, domiportam, sanguine
cassam
.
    C'estoit une bonne regle en leur art, et qui accompagne toutes
les arts fanatiques, vaines, et supernaturelles, qu'il faut que la
foy du patient, preoccupe par bonne esperance et asseurance, leur
effect et operation. Laquelle regle ils tiennent jusques là, que le
plus ignorant et grossier medecin, ils le trouvent plus propre à
celuy, qui a fiance en luy, que le plus experimenté, et incognu. Le
choix mesmes de la plus part de leurs drogues est aucunement
mysterieux et divin. Le pied gauche d'une tortue, l'urine d'un
lezart, la fiante d'un Elephant, le foye d'une taupe, du sang tiré
soubs l'aile droite d'un pigeon blanc : et pour nous autres
coliqueux (tant ils abusent desdaigneusement de nostre misere) des
crottes de rat pulverisées, et telles autres singeries, qui ont
plus le visage d'un enchantement magicien, que de science solide.
Je laisse à part le nombre imper de leurs pillules : la
destination de certains jours et festes de l'année : la
distinction des heures, à cueillir les herbes de leurs
ingrediens : et cette grimace rebarbative et prudente, de leur
port et contenance, dequoy Pline mesme se mocque. Mais ils ont
failly, veux-je dire, de ce qu'à ce beau commencement, ils n'ont
adjousté cecy, de rendre leurs assemblées et consultations plus
religieuses et secretes : aucun homme profane n'y devoit avoir
accez, non plus qu'aux secretes ceremonies d'Æsculape. Car il
advient de cette faute, que leur irresolution, la foiblesse de
leurs argumens, divinations et fondements, l'aspreté de leurs
contestations, pleines de haine, de jalousie, et de consideration
particuliere, venants à estre descouvertes à un chacun, il faut
estre merveilleusement aveugle, si on ne se sent bien hazardé entre
leurs mains. Qui vid jamais medecin se servir de la recepte de son
compagnon, sans y retrancher ou adjouster quelque chose ? Ils
trahissent assez par là leur art : et nous font voir qu'ils y
considerent plus leur reputation, et par consequent leur profit,
que l'interest de leurs patiens. Celuy là de leurs docteurs est
plus sage, qui leur a anciennement prescript, qu'un seul se mesle
de traiter un malade : car s'il ne fait rien qui vaille, le
reproche à l'art de la medecine, n'en sera pas fort grand pour la
faute d'un homme seul : et au rebours, la gloire en sera
grande, s'il vient à bien rencontrer : là où quand ils sont
beaucoup, ils descrient à tous les coups le mestier : d'autant
qu'il leur advient de faire plus souvent mal que bien. Ils se
devoient contenter du perpetuel desaccord, qui se trouve és
opinions des principaux maistres et autheurs anciens de cette
science, lequel n'est cogneu que des hommes versez aux livres, sans
faire voir encore au peuple les controverses et inconstances de
jugement, qu'ils nourrissent et continuent entre eux.
    Voulons nous un exemple de l'ancien debat de la medecine ?
Hierophilus loge la cause originelle des maladies aux
humeurs : Erasistratus, au sang des arteres :
Asclepiades, aux atomes invisibles s'escoulants en noz pores :
Alcmæon, en l'exuperance ou deffaut des forces corporelles :
Diocles, en l'inequalité des elemens du corps, et en la
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