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Les émeraudes Du Prophète

Les émeraudes Du Prophète

Titel: Les émeraudes Du Prophète
Autoren: Juliette Benzoni
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un side-car, le porte-bagages fera mon affaire… avec un petit coussin ! Et je vous rappelle que, moi, je n’ai pas donné ma parole d’honneur…
    — Un oubli regrettable !
    — Un oubli bien commode. Il faut toujours savoir utiliser les fautes des autres, conclut Adalbert avec un sourire innocent qui trouva un reflet dans les yeux du jeune homme.
    — Dans une heure ! conclut celui-ci. Près des tombeaux hérodiens et tâchez de ne pas vous faire remarquer !…
    Une heure plus tard, Adalbert, vêtu de tweed comme n’importe quel touriste anglais en cette saison, coiffé d’une casquette enfoncée jusqu’à ses lunettes noires et chaussé de solides chaussures à semelles de crêpe, une serviette de cuir et un imperméable léger sous le bras, quittait l’hôtel par l’escalier de service et les jardins, laissant Aldo sérieusement déprimé même s’il s’efforçait de le cacher. Laisser à d’autres le soin de rechercher celle qu’il aimait plus que tout au monde – même si son plus cher ami constituait la moitié de ces autres ! – lui était cruel. La parole donnée le condamnait à tourner en rond dans sa confortable cage, plus prisonnier d’un honneur qui lui semblait dérisoire que des murs de sa chambre dont les fenêtres s’ouvraient au large sur la lumière dorée et les jardins. L’action n’était-elle pas le meilleur antidote de l’angoisse ? Et non seulement il en était privé mais il ne savait même pas si les deux chevaliers sans armure partis délivrer la princesse captive ne poursuivaient pas un simple mirage puisque, au fond, nul n’avait la moindre idée de l’endroit où pouvait se trouver Lisa et, plus il réfléchissait, plus l’idée s’ancrait que la « grosse femme » évoquée par Hilary n’ayant aucune chance d’être Lisa, c’était du côté des Juifs qu’il fallait la chercher. Des Juifs qui, ne voyant pas revenir Goldberg, avaient fort bien pu mettre à mort leur otage avant de disparaître. Et de ce côté aussi l’horizon était bouché puisque Ézéchiel, le seul fil conducteur qui restât, s’était volatilisé…
    Enfermé dans sa chambre, Aldo passa une longue journée sans toucher au plateau qu’un serviteur noir, inquiet de sa mine terreuse, tint absolument à lui monter et une plus longue nuit encore sans trouver un instant de repos. Debout devant la fenêtre ouverte sur l’obscurité bleue, il interrogeait inlassablement les étoiles comme ils le faisaient, Lisa et lui, en arrivant à Jérusalem, cherchant si celle que la jeune femme s’était choisie en riant brillait toujours ou bien s’était ternie. En dépit du froid nocturne qui envahissait la pièce, il ne pouvait se résoudre à fermer les battants vitrés, cherchant un peu de chaleur dans les cigarettes qu’il ne cessait de fumer.
    Il vit se lever le jour, s’enflammer l’aurore et enfin briller le soleil d’hiver qui allait tout réchauffer sur terre sauf son propre cœur où l’espoir n’arrivait plus à vivre. En allant vers le meuble où il avait posé un dernier paquet de cigarettes après avoir jeté le précédent, il aperçut son image dans le miroir de la coiffeuse et lui adressa une grimace désabusée. Avec sa barbe de deux jours, les cernes qui marquaient ses yeux rougis par la fumée et l’insomnie, le smoking froissé qu’il n’avait même pas songé à ôter, il portait au moins son âge et ressemblait assez à ces joueurs décavés que l’on voit sortir des casinos, clignant des yeux dans la lumière crue du matin comme des oiseaux nocturnes soudain tirés de leur univers. Et qui, parfois, allaient tout droit chercher dans la mort l’oubli d’un sort contraire.
    Il se demanda si c’était cela qu’il choisirait au cas où Lisa ne reviendrait plus. Ce serait si simple, si facile d’en finir au lieu de traîner une vie encore longue peut-être même si, chez les Morosini, on avait toujours considéré cette solution comme indigne sauf en cas de force majeure.
    — Pourquoi pas ? fit-il tout haut. Mais pas dans cet état-là ! Un Morosini ne reçoit pas la mort déguisé en clochard… et puis Lisa n’aimerait pas du tout te voir comme ça ! Va au moins prendre une douche et te raser !…
    Deux coups autoritaires frappés à sa porte interrompirent ses pensées amères :
    — Entrez ! cria-t-il. C’est ouvert !
    Le capitaine Harding entra.
    Son regard fit le tour de la chambre, glissant au passage sur les cendriers pleins, le lit
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