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Les derniers jours de Jules Cesar

Les derniers jours de Jules Cesar

Titel: Les derniers jours de Jules Cesar
Autoren: Valerio Manfredi
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approcha. Elle essuya le front et la bouche de son
époux, lui mouilla les lèvres à l’aide d’un morceau de lin trempé dans de l’eau
fraîche.
    « Antistius, de quoi s’agit-il ? demanda-t-elle.
C’est terrible, qu’est-ce donc ? »
    Les yeux clos, César, plongé dans une lourde torpeur,
respirait à grand-peine.
    « Les Grecs appellent cette affection le “mal sacré”,
car les Anciens croyaient qu’elle découlait de l’action des esprits, démons ou
divinités. Alexandre en était lui aussi affligé, semble-t-il. En réalité, on
ignore sa nature. On n’en connaît que les symptômes et l’on se borne à limiter
les dégâts. Le risque majeur consiste à se mordre la langue et, parfois, à
s’étouffer avec. J’ai administré à César le calmant habituel qui paraît heureusement
efficace. Mais la fréquence de ces crises m’inquiète : la dernière s’est
produite il n’y a que deux semaines.
    — Que pouvons-nous faire ?
    — Rien. Rien de plus que ce que nous avons fait. »
    César ouvrit les paupières et jeta un regard circulaire.
    Indiquant le médecin, il dit à Silius et Calpurnia :
« Laissez-moi en tête à tête avec lui.
    — Tu peux partir, lança Antistius à l’aide de camp,
hésitant. Il n’y a plus de danger. Mais reste dans les parages. On ne sait
jamais. »
    Silius acquiesça avant de quitter la pièce en compagnie de
Calpurnia. Il était l’appui, l’aide, l’ombre de son chef. Centurion de la
légendaire X e  Légion, dans laquelle il avait servi vingt ans,
il avait les cheveux poivre et sel, un cou de taureau, des yeux sombres aussi
aqueux et mobiles que ceux d’un enfant. Il suivait son maître comme un chiot.
    Le médecin posa l’oreille sur la poitrine de César et
l’ausculta. Le cœur retrouvait un rythme normal.
    « Ton état s’améliore.
    — Ce n’est pas ce qui m’intéresse. Dis-moi plutôt ce
qui se passerait si j’avais une crise de ce genre en public. Si je tombais par
terre, la bave à la bouche, au sénat ou sur les Rostres. »
    Antistius baissa la tête.
    « Tu ne peux pas me répondre, n’est-ce pas ?
    — Non, César, mais je te comprends. Ces crises sont
imprévisibles. Que je sache, tout au moins.
    — Elles dépendent donc des caprices des dieux.
    — Crois-tu dans les dieux ?
    — Je suis le grand pontife. Quelle réponse attends-tu
de moi ?
    — La vérité. Je suis ton médecin. Pour être en mesure de
t’aider, il faut que je comprenne non seulement ton corps, mais aussi ton
esprit.
    — Je crois que le mystère nous entoure. Dans le
mystère, il y a de la place pour tout le monde, y compris pour les dieux.
    — D’après Hippocrate, cette affection portera le nom de
mal sacré tant que ses causes n’auront pas été découvertes.
    — Hippocrate avait raison. Hélas, ce mal continue
d’être sacré et le sera, je le crains, pendant longtemps. Je ne peux toutefois
me permettre d’étaler mes faiblesses au grand jour. Le comprends-tu ?
    — Oui. Mais tu es le seul à pouvoir pressentir
l’arrivée d’une crise. On prétend que le mal sacré ne s’annonce pas. Cependant,
chaque homme est unique face à la maladie. Éprouves-tu des signes
avant-coureurs ? »
    César poussa un profond soupir. « Peut-être. Mais ils
ne sont pas évidents et n’ont pas toujours les mêmes caractéristiques. Parfois,
je vois des images d’une autre époque, des images subites… semblables à des
éclairs.
    — Quel genre d’images ?
    — Des massacres, des champs jonchés de cadavres, des
nuages qui galopent en hurlant comme les furies de l’enfer.
    — Ce sont peut-être de simples souvenirs. Ou des
cauchemars. Nous en avons tous. Et toi plus que quiconque. Tu mènes une
existence hors du commun.
    — Non, ce ne sont pas des cauchemars. Ce sont des
images que je vois aussi nettement que toi à présent.
    — Ces… images sont-elles toujours suivies de
crises ?
    — Pas toujours. Je ne peux affirmer avec certitude
quelles ont un rapport avec cette maladie. Il s’agit d’un ennemi sournois,
Antistius, un ennemi sans visage qui attaque, frappe et s’évanouit comme un
fantôme. Je suis l’homme le plus puissant du monde, mais, face à cette maladie,
je suis aussi vulnérable que le dernier des indigents.
    — À un autre, je conseillerais…
    — Quoi ?
    — … de se retirer. D’abandonner la ville, les fonctions
publiques, la bataille politique, comme Scipion l’Africain et Sylla. La
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