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Les conquérants de l'île verte

Les conquérants de l'île verte

Titel: Les conquérants de l'île verte
Autoren: Jean Markale
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malgré une christianisation qui avait eu soin de
remplacer les druides par des prêtres, des abbés et des évêques auprès des
chefs de clans ou de tribus. Cette invasion des Milésiens correspond à la
naissance d’une société fondée sur l’équilibre des deux forces composantes,
politique (les Gaëls) et religieuse (les druides, donc les Tuatha
Dé Danann ). Car, après la victoire des Fils de Milé sur les Tuatha , ceux-ci ne sont pas éliminés : selon un accord
solennel, les Tuatha ont la possession des tertres et
des îles merveilleuses qui entourent – mythiquement – l’Irlande, tandis que les
Gaëls occupent la surface de l’île. On ne peut mieux symboliser l’harmonie
entre le monde visible et le monde invisible, harmonie qui s’exprime dans la
structure de la société celtique par l’incontournable collaboration entre le
druide et le roi, collaboration sans laquelle aucun groupe ne peut exister.
    D’ailleurs, la société décrite dans l’épopée est
composite : les Tuatha ont beau être des êtres
féeriques ou divins, ils se mêlent aux humains et interviennent dans leurs
affaires. De plus, les éléments originaires de la tribu de Nemed et de celle
des Fir Bolg sont toujours présents. Et tout ce monde est constamment confronté
à un mystérieux peuple, celui des Fomoré , êtres
gigantesques qui, habitant les îles lointaines, ont de nombreux points communs
avec les Cyclopes de la tradition hellénique et les Géants de la mythologie
germano-scandinave. Comme eux, ils sont fauteurs de troubles et s’attaquent à
chaque vague de conquérants de l’Île Verte. Ils symbolisent évidemment les
forces obscures de l’inconscient, les puissances de destruction et de désordre
qu’il faut sans cesse combattre pour assurer non seulement l’équilibre, mais la
survie, de toute société dite civilisée.
    De fait, la confrontation est permanente. Rien n’est jamais
définitif, et la remise en question générale s’opère au rythme des saisons et
des jours. Pendant de longues périodes de latence, la tension s’accumule,
s’accroît, s’exacerbe et finit par éclater : ce sont alors des guerres,
des expéditions aventureuses, des dénouements inattendus. Or, ces crises ne
sont pas distribuées au hasard dans le récit épique : à l’analyse, on
s’aperçoit qu’elles coïncident toujours avec une date essentielle du calendrier
celtique, preuve qu’il s’agit d’événements en quelque sorte rituels commémorés
selon un plan bien déterminé et hautement significatif. Les invasions, par
exemple, sont toujours datées des environs du 1 er  mai,
les guerres au cours desquelles succombe un roi des environs du 1 er  novembre. L’ensemble obéit à un schéma directeur que
les multiples auteurs de récits épiques connaissaient parfaitement, ce qui
suppose que le corpus de l’épopée celtique d’Irlande exprimait pour sa part la
tradition la plus ancienne et la plus spécifique des peuples Celtes originels à
toutes les migrations et à toutes les vicissitudes auxquelles elle avait donc
survécu [11] .
    On sait en effet que le calendrier des Celtes était ordonné
autour d’un axe fondamental allant de la fête de Samain (1 er  novembre) à celle de Beltaine (le 1 er  mai) [12] , c’est-à-dire en
fonction des entrées et sorties de l’hiver. La datation des invasions à la fin
de l’hiver et au début de la saison estivale correspond donc bien à une réalité
symbolique : il s’agit à chaque fois d’un renouveau, d’une nouvelle
naissance, d’un nouveau cycle. Quant à la mort d’un roi au début de l’hiver, il
n’est que la constatation d’un certain endormissement, d’une mise en sommeil
des fonctions royale, guerrière et pastorale, celle-ci étant particulièrement
importante dans le cas de l’Irlande, puisque l’Île Verte a toujours été et
demeure le pays par excellence de l’élevage, et que la structure sociale des
Gaëls est très nettement inspirée par les nécessités de subvenir à l’entretien,
à la sauvegarde et à l’accroissement du cheptel, seule richesse véritable de
ces peuples encore très marqués par le nomadisme et dont les frontières ne vont
jamais au-delà de la portée du regard du roi, autrement dit dont la prospérité
dépend de la capacité du roi à assurer l’entretien des troupeaux. C’est une
donnée très importante à considérer si l’on veut comprendre, à travers son
expression irlandaise, le sens
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