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Les Conjurés De Pierre

Les Conjurés De Pierre

Titel: Les Conjurés De Pierre
Autoren: Philipp Vandenberg
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l’imminence du Jugement dernier et ne pas s’étonner que le diable s’attaquât à la maison du Seigneur.
    Les auditeurs repartaient en gémissant et en pleurnichant, les uns lançaient des regards terrorisés vers les hauts frontons de l’église, les autres se terraient à quatre pattes comme des bêtes ou sanglotaient tels des enfants qu’un père aurait menacés d’une punition sévère.
    Des hommes élégants jetaient par terre leurs toques de velours et piétinaient les plumes qui les ornaient. Des femmes retiraient en pleine rue leur corsage impie en laissant traîner les manches jusqu’à terre et offraient, sans la moindre gêne, leurs seins en pâture.
    La populace et les mendiants, sachant que la Bible leur promet le royaume des cieux, ne se laissaient pas impressionner par ces discours. Ils se disputaient les précieux habits et les déchiraient pour en avoir chacun un lambeau.
    La ville fut en proie à la plus vive agitation. Les riches bourgeois, barricadés derrière leurs portes, engagèrent des gardes comme au temps des épidémies de peste et de choléra. Même derrière leurs murs, ils réprimèrent tout éternuement, toute quinte de toux qui auraient révélé la présence du diable dans leur corps. La nuit, on entendait résonner les pas des sentinelles qui, armées de grandes lances, arpentaient les ruelles. Et les établissements de bains, lieux de débauche sacrilèges, furent désertés, ce qui n’arrivait habituellement que le vendredi saint à la veille de la résurrection de notre Seigneur.
    Le lendemain matin, les bourgeois de Cologne s’éveillèrent avec, dans la bouche, un goût amer dont ils accusèrent le diable. Ils tardèrent plus que de coutume ce jour-là à quitter leur logis.
    De grands oiseaux noirs tournoyaient au-dessus de la cathédrale en coassant. On eût dit les cris désespérés de petits enfants appelant à l’aide. Tandis que le soleil levant illuminait le porche principal de la cathédrale, les façades à l’ombre paraissaient plus sombres et plus menaçantes que d’habitude.
    Les tailleurs de pierre avaient repris depuis longtemps leur travail.
    En temps normal, ils se souciaient peu du vent ou des intempéries mais, ce matin-là, ils frissonnèrent sans savoir vraiment pourquoi.
    Ce fut d’ailleurs aussi un tailleur de pierre qui découvrit sur le parvis un gueux quasiment inconscient, le dos appuyé au mur. Il n’était pas rare que des étrangers et des ouvriers passent la nuit sur les marches. Mais au matin d’une telle nuit, la méfiance était de mise, et tout étranger attirait les regards.
    Son long manteau déchiré ressemblait à la bure sombre du prédicateur qui, la veille au soir, avait plongé la ville dans une atmosphère de fin des temps. Et, effectivement, en s’approchant, le tailleur de pierre crut reconnaître Gélase, l’homme qui venait d’annoncer aux habitants de Cologne l’imminence du Jugement dernier. Les mains de l’homme tremblaient et ses yeux restaient rivés sur le sol.
    Le tailleur de pierre lui demanda s’il était bien Gélase. Celui-ci répondit sans lever les yeux par un hochement de tête.
    L’homme s’apprêtait à retourner à ses occupations quand il vit la bouche du prédicateur s’ouvrir brusquement et cracher, à défaut de mots, un jet de sang noir qui se déversa à flots sur ses oripeaux.
    L’artisan fit un bond en arrière. effrayé et désemparé, il chercha en vain de l’aide mais ne vit personne susceptible de lui apporter du secours.
    Gélase pointa son index à l’intérieur de sa bouche en marmonnant des sons incompréhensibles, dignes d’un fou sortant de l’asile.
    En voyant sa bouche ouverte, le tailleur de pierre comprit : on lui avait tranché la langue.
    L’homme l’interrogea des yeux. Qui avait bien pu mutiler ainsi le prédicateur ?
    Gélase recroquevilla son index tremblant et ensanglanté, le posa d’abord sur la tempe gauche puis sur la droite. Et pour bien faire comprendre au tailleur de pierre qu’il s’agissait de cornes, il désigna son fessier de la main droite et dessina dans l’air une longue queue. Puis il leva une dernière fois ses yeux remplis d’effroi.
    Le tailleur de pierre se signa et, pris de panique, s’enfuit à toutes jambes. Comment aurait-il pu imaginer que le fléau qui s’était abattu sur la ville, plongeant la population dans les plus folles angoisses, pouvait s’expliquer rationnellement, que l’élément déclencheur se trouvait
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