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Les Conjurés De Pierre

Les Conjurés De Pierre

Titel: Les Conjurés De Pierre
Autoren: Philipp Vandenberg
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enfermé dans un étui bien fermé, une sorte de boîte de Pandore, laquelle, une fois ouverte, mettrait le pays entier en ébullition.
    Elle ne contenait qu’un morceau de papier que beaucoup convoitaient. Certains étaient prêts à tuer au nom du Christ, d’autres ne s’en encombreraient même pas.
    Si le tailleur de pierre avait su ce qui s’était produit, douze ans auparavant, anno domini 1400, il aurait compris. Mais à l’instant même, ni lui ni personne ne le pouvait.
    Et la peur est mauvaise conseillère.
    1

Année 1400 : un froid été
    Quand approcha le temps de la délivrance, Afra, la jeune servante du bailli Melchior von Rabenstein, prit la corbeille dont elle se servait habituellement pour ramasser des champignons et, rassemblant ses dernières forces, se traîna dans la forêt derrière la ferme.
    Personne n’aurait pu enseigner à la jeune fille à la longue natte les gestes rudimentaires qu’on effectue lors d’un accouchement, car sa grossesse était restée secrète jusqu’à ce jour. Elle avait réussi à dissimuler adroitement sous d’amples habits de gros drap son ventre qui s’arrondissait.
    Lors de la dernière fête de la moisson, le bailli Melchior l’avait entraînée dans la grange et l’avait engrossée dans le foin. Chaque fois qu’elle y repensait, elle avait un haut-le-cœur, comme si elle avait bu de l’eau croupie ou mangé de la viande avariée. Elle gardait à jamais gravée dans sa mémoire la vision de ce vieillard bestial, aux dents noires et fendillées comme de l’écorce pourrie, qui s’était jeté sur elle, l’œil lubrique. La jambe de bois fixée au moignon de sa cuisse gauche s’agitait comme la queue d’un chien excité. Après l’avoir prise brutalement, le bailli l’avait menacée de la chasser de la ferme si elle en soufflait mot à quiconque.
    Désormais marquée par le déshonneur et la honte, elle ne s’en ouvrit à personne, hormis au curé auquel elle confessa l’affaire dans l’espoir d’être lavée de sa culpabilité. Cela lui apporta un certain soulagement, tout au moins au début : chaque jour pendant trois mois, pour faire pénitence, elle récita cinq Notre Père et autant d’Ave Maria. Mais quand elle remarqua que le méfait commis par le bailli ne resterait pas sans conséquence, une colère désespérée s’empara d’elle et elle pleura des nuits entières.
    Lors d’une de ces interminables nuits, Afra prit la décision de se débarrasser du bâtard dans la forêt.
    La voilà, les mains cramponnées au tronc d’un arbre, ne suivant que son instinct, les jambes écartées, espérant que cette vie indésirable allait sortir de ses entrailles de la même façon qu’elle avait vu les vaches mettre bas. Des souffrances atroces déchiraient son corps et, pour réprimer ses cris, Afra se mordait le bras en inspirant, par saccades, l’odeur forte que répandaient les champignons jaunes, les agarics poussant sur le tronc humide du sapin.
    Cela endormit momentanément la douleur jusqu’au moment où un paquet de chair vivante tomba sur le sol moussu de la forêt : c’était un garçon avec des cheveux bruns et touffus semblables à ceux du bailli ; il se mit à pousser des cris si vigoureux qu’elle eut peur d’être repérée.
    Afra frissonnait, tremblait de peur et de faiblesse, incapable de reprendre ses esprits. Elle oublia son projet de briser le crâne de l’enfant contre un arbre juste après la naissance, comme lorsqu’elle tuait un lapin. Mais que faire ?
    La jeune femme ôta sans réfléchir une de ses jupes – elle en portait deux l’une par-dessus l’autre – la déchira en bandes et essuya le sang qui couvrait le petit corps du nouveau-né. Elle fit alors une étrange découverte à laquelle elle n’accorda pas, sur le moment, d’attention particulière croyant avoir mal compté. Mais elle recompta une deuxième, puis une troisième fois : la main gauche de l’enfant avait six minuscules doigts. Afra fut saisie d’effroi. Un signe du ciel ! Mais que signifiait-il ?
    En transe, elle emmaillota le nourrisson dans le reste des morceaux de tissu de sa jupe, le déposa dans le panier et, pour le mettre à l’abri des animaux sauvages, le suspendit à la branche la plus basse du sapin sur laquelle elle s’était appuyée pour accoucher.
    Afra passa le reste de la journée dans l’étable avec les bêtes pour se soustraire aux regards des valets et des servantes.
    Elle voulait rester seule avec
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