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Les chevaliers du royaume

Les chevaliers du royaume

Titel: Les chevaliers du royaume
Autoren: David Camus
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nous avons la foi, et la Vraie Croix est avec nous : Dieu nous épargnera la soif ! »
    Ils s’étaient alors tournés vers le Saint Bois, tenu sans conviction par l’évêque d’Acre, Rufinus ; puis Lusignan, la regardant à son tour, avait donné l’ordre de se mettre en route. « Dieu est avec nous ! » avait-il ajouté pour reprendre courage et imiter la courte lignée de ceux qui l’avaient précédé sur le trône de Jérusalem.
    On fit ce que le roi avait ordonné, et à la nuit tombée les prédictions du comte de Tripoli se réalisèrent : les troupes de Saladin encerclaient bien l’unique point d’eau de la région. Avant même de livrer combat, la chrétienté avait perdu.
    Les Francs, exténués par une journée de marche forcée, et une nuit sans boire, furent cueillis au petit matin par la cavalerie mahométane, dont les archers opposaient à leurs faibles assauts une pluie de flèches, avant de détaler au son des tambours de guerre.
    La foi, la vigueur, les épées des chrétiens ne savaient où frapper, et leurs armes de jet n’arrivaient pas à entamer le cuir des infidèles.
    Raymond de Tripoli avait bien tenté une charge, mais les lignes sarrasines s’étaient écartées devant lui, pour le laisser traverser. « Où est-il désormais ? » se demanda Morgennes. « Pourvu qu’il ait pu se mettre à l’abri ! »
    Soudain retentit un fracas plus puissant que les hurlements de la tempête. Des voix se rapprochaient, dans un bruit de ferraille. Amies ou ennemies ? Un ordre en arabe s’éleva au-dessus du tumulte :
    — Attrapez-le ! Ne le laissez pas s’enfuir !
    Les Sarrasins !
    Un cheval passa au galop devant Morgennes. Un flot de bile verdâtre souillait son poitrail, où des plaques de sable et de sang séché s’étaient agglutinées. Saisi d’effroi, il courait au gré du vent dans une fuite chaotique. Sa selle noire aux quartiers dorés, brodés de fils d’or et d’argent, portait sur son pommeau quelques pompons de laine blanche. Son troussequin était en forme de croix. L’évêque d’Acre – dont c’était la monture – aimait à s’y reposer, mais c’était surtout un signe, un symbole : il signalait aux profanes la présence du Saint Bois.
    Or la selle était vide !
    La rage, la honte, la colère s’emparèrent de Morgennes.
    L’évêque d’Acre était celui vers qui tous se tournaient en cas de difficultés. Il faisait office de bouclier spirituel et montrait le chemin à suivre, en levant haut la croix pour qu’elle fût visible de tous, à tout moment, en tous point du champ de bataille.
    La Sainte Croix était tombée !
    Une rafale de vent chassa le cheval vers un nuage de poussière, et Morgennes marcha aussitôt dans la direction opposée. Rufinus devait s’y trouver.
    Il s’aventura au beau milieu d’une tornade de brindilles en feu, qui s’accrochèrent à son keffieh et menacèrent de l’enflammer. Des volutes d’une fumée noire, aussi épaisse que la poix, s’agglutinèrent sur son haubert et sur son bouclier, comme pour l’obliger à renoncer. Un lit de braises chauffa le surcot de mailles de ses chausses, et lui brûla les pieds. Mais il s’obstina, rassemblant son courage et ses dernières forces pour avancer. Il trouverait l’évêque et la Croix, et les ramènerait à son camp. Pour rien au monde ils ne devaient tomber entre les mains des infidèles. Foi jurée, il ne faillirait pas !
    L’air frémit, la terre se mit à trembler. Des cavaliers approchaient ! L’odeur de taillis et de goudron brûlés se fit un peu moins forte. Morgennes s’arrêta. Il allait devoir se battre. Les pans de sa lourde cape noire flottaient derrière lui, fouettant l’air avec vigueur, y faisant claquer la grande croix blanche qui l’ornait.
    Devant Morgennes, les rideaux de fumée noire parurent s’écarter d’eux-mêmes, pareils à des portes qui s’ouvrent devant un hôte de marque.
    Quelqu’un venait : un homme au visage et aux mains rouges de sang, ne portant aucune arme, les vêtements déchirés. Il était vêtu d’une robe écarlate à larges manches et d’un luxueux pourpoint de cuir brodé d’or. Un crucifix serti de pierreries pendait à son cou, un fin stylet d’argent était passé à sa ceinture, une crosse ouvragée, tenue mollement dans sa main droite, traînait lamentablement derrière lui. C’était Rufinus, l’évêque d’Acre. Sa mitre était tombée. Hébété, le regard absent, il paraissait
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