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Les chevaliers du royaume

Les chevaliers du royaume

Titel: Les chevaliers du royaume
Autoren: David Camus
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volonté de Dieu ? « Peu importe, se disait-il. Je dois tenir. Tenir coûte que coûte. » Restait à s’orienter. Reconnaissait-il les lieux ? Quelle était cette colline rocailleuse, où poussaient quelques rares brins d’herbes, secs et drus, et où s’échelonnaient de maigres buissons, brûlés par le soleil ?
    C’était la colline de Hattin. La veille au soir, les Francs s’y étaient arrêtés, après une journée de chevauchée dans le désert. Ils avaient longé les sommets enneigés de Tûr’ân et d’al-Shajara, laissé derrière eux les monts Lûbiya et Khân Madîn, franchi les hauteurs de Meskana, et s’étaient hâtés vers Tibériade, dont la ville était occupée et le château assailli par Saladin. Il leur restait une demi-journée de route, mais la soif et l’absence de ravitaillement avaient allongé les distances.
    La gorge sèche, Morgennes marcha vers la colline dont les sommets – deux pics rocheux au pied desquels le roi de Jérusalem avait planté sa tente – se dressaient dans le ciel du petit matin, comme les cornes du diable. Il pensait y retrouver, sinon les troupes du roi Guy de Lusignan, du moins celles du Temple et de l’Hôpital. Et qui sait, peut-être Emmanuel ? D’ailleurs, il entendait des voix et des cliquetis d’armures.
    Le vent se mit à souffler. Venu de l’est, il charriait un flot de chaleur et de sable, gonflé de vapeurs torrides. Morgennes toussa bruyamment Ses yeux le piquèrent. Prenant le keffieh d’un Sarrasin mort, il l’enroula autour de son visage.
    Il existe, à Sarmada, à mi-chemin entre Alep et Antioche, un vent terrible et redouté de tous appelé le khamsin. C’est un vent sec et chaud, chargé de gravillons. Quant il rugit, les vêtements les plus fragiles se déchirent, et le khamsin s’attaque à la peau. Il n’est pas rare que des voyageurs mal informés, ou mal équipés, meurent, la chair à vif, et parfois même, l’os mis à nu, parfaitement nettoyé. Ainsi, le khamsin ressemble aux femmes qui, lorsqu’elles n’ont pas ce qu’elles désirent, vous mordent et vous griffent pour vous faire céder. Le vent qui s’acharnait sur Morgennes avait la force d’un harem.
    Morgennes s’aida pour avancer de son grand bouclier en forme d’amande, qui portait sur sa face la croix blanche à huit pointes des Hospitaliers. Il en planta la base dans le sable, s’abrita derrière, et attendit une accalmie. Mais les tourbillons noirs du vent s’acharnaient en sifflant contre lui et cherchaient à le mordre, telle une armée de serpents. Morgennes eut beau donner de violents coups d’épée pour les dissiper, cela n’y changea rien. Les serpents se divisèrent au contact de sa lame, se reformèrent un peu plus loin, et revinrent à l’assaut. Morgennes tâcha de les ignorer, se disant qu’il était victime d’un sortilège et que rien de cela n’était vrai. Il resta immobile au milieu des rafales fuligineuses, impassible, pareil à un roc, plus fort que la bourrasque, ses coups de griffe, sa folie. Puis, quand le vent se calma, Morgennes repassa la guiche de son écu autour de son cou et se remit en route.
    Le champ de bataille était si jonché de cadavres que souvent Morgennes trébuchait sur un corps, glissait sur un bouclier ou sur une flaque de sang. S’il reconnaissait un chrétien, il murmurait une courte prière, et poursuivait son chemin. À présent, il en avait la conviction, la bataille était finie. Les Francs avaient été vaincus. Ce qu’il ignorait encore, c’était l’ampleur de la défaite, et combien d’hommes avaient réussi à s’enfuir, à rejoindre Jérusalem, Tibériade, ou les plaines plus douces de Séphorie d’où ils auraient pu lancer une contre-offensive.
    La veille au soir, déjà, Raymond III, comte de Tripoli, avait prédit le désastre. « C’est folie que d’attaquer dans ces conditions », avait-il dit à Guy de Lusignan et à Gérard de Ridefort, qui commandait l’ordre des Templiers. « Il n’y a pas un seul point d’eau à moins d’une journée et demie de marche, et Saladin y a certainement établi son armée. » Quelques nobles, dont les frères Hugues et Balian II d’Ibelin, que leur bravoure à Montgisard avait distingués, l’avaient approuvé ; mais Ridefort, dont les avis étaient toujours très écoutés par le roi, avait fait ce commentaire : « Vous êtes un couard, Tripoli. Vous n’avez pas envie d’affronter Saladin parce qu’il est votre ami. Mais
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