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Les chevaliers du royaume

Les chevaliers du royaume

Titel: Les chevaliers du royaume
Autoren: David Camus
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deux entrées ?
    Philippe d’Alsace leur proposa de les y mener. Il leur sembla pourtant ce matin-là que c’était le faucon qui les guidait en volant au-dessus d’eux, à la fois protecteur et complice. Le brouillard était tel qu’ils n’y voyaient rien, aussi fallut-il se repérer aux cris de l’oiselle. Enfin, lorsque les sabots des chevaux sonnèrent sur des planches de bois, et que de toute part leur parvint le grondement des eaux d’un fleuve, Philippe d’Alsace déclara :
    — C’est ici…
    Mettant pied à terre, ils examinèrent l’endroit. Il y avait, franchissant un fleuve presque entièrement gelé, un pont de bois à piles de pierre, long d’un peu moins d’un arpent, et suffisamment large pour que deux charrettes puissent s’y croiser. Bien qu’on eût pu aisément, en temps ordinaire, passer à gué – les chevaux n’ayant de l’eau qu’à la hauteur des sangles –, le fleuve connaissait parfois d’étranges débordements quand il pleuvait, devenait torrent à la fonte des neiges, et se trouvait presque à sec en été. Enfin, son fond n’était que sable et gravier et comme il n’avait pas été entretenu depuis longtemps, il était innavigable.
    — Le domaine de Morgennes, soupira Cassiopée… J’ai l’impression de connaître cet endroit.
    — Il a construit le pont lui-même, dit Philippe d’Alsace. Avec ses propres mains… C’est de la belle ouvrage, vous ne trouvez pas ?
    Ils regardèrent le pont. Il paraissait avoir toujours été là. Ils imaginaient Morgennes plongé dans l’eau glacée et travaillant à bâtir son pont, pour unir les deux rives… Bien sûr, cette image était un tantinet ridicule, dans la mesure où il n’avait certainement pas œuvré l’hiver. C’était pourtant ainsi qu’ils se le représentaient.
    À la douleur et à la peine de Philippe d’Alsace répondirent une autre douleur, une autre peine, ô combien plus vives. Celles de Chrétien de Troyes. L’artiste, alors âgé de plus d’une cinquantaine d’années, était dans ces périodes de la vie où la solitude grandit jusqu’à se faire totale. Quand il apprit la mort de Morgennes, Chrétien de Troyes tomba gravement malade. Une forte grippe, crut-on tout d’abord, mais le mal dégénéra, et le litterato mourut à la Noël.
    Il n’avait pas achevé son roman. La dernière parole qu’il prononça avant de fermer les yeux fut :
    — Perceval !
    Dans son esprit enfiévré, il avait confondu Morgennes et le héros de son livre, comme si ce dernier était le mort : un personnage de fiction, et non une personne faite de chair et d’os. Ce qui le rattachait à la vie s’était éteint de lui-même. Perceval parti, il était temps de mourir.
    Philippe d’Alsace, lui, n’était pas de cet avis. Une histoire devait vivre, indépendamment de ceux qui l’avaient inspirée, comme de ceux qui avaient commencé à l’écrire. Il convoqua Cassiopée, et lui dit gravement :
    — Si vous n’avez pas sauvé l’homme, sauvez au moins l’œuvre. Et, puisque vous en êtes pour l’instant la principale dépositaire, c’est vous qui finirez l’histoire.
    — Une femme, auteur d’un roman ?
    — Ce peut être une suite anonyme.
    Et c’est ainsi que Cassiopée entreprit la rédaction d’une Continuation et fin de Perceval, que Chrétien de Troyes n’avait pu faire lui-même et qu’elle ne devait terminer que bien des années plus tard. Ils apprirent également que d’autres s’étaient attelés à la tâche, parmi lesquels Wauchier de Denain, Manessier et Gerbert de Montreuil. Par respect pour leur travail, et par discrétion, Cassiopée décida de ne pas signer sa version.
    Alors qu’elle cherchait comment continuer l’histoire de Perceval, une femme leur apporta un début de solution : la mère de Cassiopée, Guyane de Saint-Pierre. Alors qu’ils étaient sur le point de quitter le comté de Flandre pour la Bourgogne, leur chemin croisa celui d’un étrange messager, qui s’avança vers eux le visage masqué. Il dit à Cassiopée :
    — Je sais qui vous êtes. Votre mère m’a confié cette lettre, il y a bien longtemps, me demandant de vous la remettre à votre retour. J’ai cru ne jamais vous trouver. Heureusement, Philippe d’Alsace m’a appris que vous partiez aujourd’hui pour la Bourgogne…
    Puis il repartit, aussi mystérieusement qu’il était arrivé.
    Que disait le message ? Deux choses. Tout d’abord que, lasse d’attendre le retour de
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