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Les amours du Chico

Les amours du Chico

Titel: Les amours du Chico Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Zévaco
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l’encens
viendra se mêler à elle, les flammes s’élèveront claires et
gigantesques et purifieront tout.
    Face au bûcher se dressait l’autel construit sur la place même.
En temps ordinaire cet autel s’ornait d’une croix sur laquelle un
Christ de bronze ciselé tendait ses bras implorants, levait vers le
ciel des yeux vitreux qui semblaient le prendre à témoin de la
méchanceté des hommes. Aujourd’hui l’autel est paré de riches
dentelles, tendu de fine lingerie, d’une blancheur immaculée,
enguirlandé, fleuri, illuminé comme pour une grande fête : et
c’était en effet jour de grande fête.
    Du haut de la grosse tour du couvent de San-Francisco, proche,
sans discontinuer, le glas tombait lent, lugubre, sinistre,
affolant. Il annonçait que la fête était commencée, c’est-à-dire
que les condamnés, les juges, les moines, les confréries, la cour,
le roi, tout ce qui constituait l’abominable cortège, sortait de la
cathédrale pour traverser processionnellement les principales voies
de la ville, toutes aussi encombrées de curieux, avant d’aboutir à
la place où les victimes, du haut de leur bûcher, devaient assister
à la célébration de la messe, avant que les moines bourreaux ne
missent le feu aux fascines. Il continuera de tinter, ce glas,
jusqu’à la fin de la cérémonie, c’est-à-dire jusqu’à ce que le feu
ait accompli son œuvre en dévorant les corps des suppliciés.
    Et les cris de joie, les interpellations, les grasses
plaisanteries, les imprécations, les malédictions à l’adresse des
hérétiques, les hurlements de fauves, les trépignements
d’impatience, les rires hystériques éclataient, fusaient,
bourdonnaient, rebondissaient parmi cette foule endimanchée.
    Oui, c’était une grande fête !
    La haine, la fureur, l’impatience, la joie, une joie hideuse,
tels étaient les sentiments qui éclataient sur toutes ces faces
convulsées. Pas un mot de pitié, pas une protestation.
    Au surplus, il est juste de dire que celui qui eût été assez mal
inspiré pour faire entendre un murmure de réprobation, eût été
infailliblement adjoint aux sept malheureux qu’on traînait, en ce
moment, processionnellement, par les rues de la ville.
    La pitié était soigneusement étouffée. Il fallait avoir une
bonne dose de courage pour oser s’abstenir d’assister à
l’effroyable spectacle, ou tout au moins se montrer sur le parcours
de la procession. L’abstention, trop fréquemment renouvelée,
rendait suspect et le suspect ne tardait guère à être appréhendé.
Les
casas santas,
ou prisons de l’Inquisition, le
recueillaient alors et il lui était loisible, dans la solitude du
cachot, de méditer sur ce qu’il en coûte à paraître désapprouver
les actes du Saint-Office. Encore devait-il s’estimer très heureux
qu’on ne s’avisât pas de lui faire jouer un rôle plus important
dans le sinistre drame, en l’envoyant achever ses méditations sur
le bûcher.
    Derrière l’intendant de Fausta qui, au milieu de cette foule
compacte, se traçait un chemin avec une vigueur surprenante chez un
bonhomme qui paraissait aussi cassé, le Torero parvint jusqu’au
perron d’une des plus somptueuses maisons en façade sur la
place.
    Contrairement à toutes les autres habitations, cette maison
n’avait pas un seul spectateur à ses nombreuses fenêtres, pas plus
qu’à ses balcons.
    Guidé par l’intendant, après avoir traversé un certain nombre de
pièces, meublées et ornées avec plus de magnificence encore que les
salles de la maison des Cyprès, ce qui lui eût paru chose
impossible avant d’avoir pénétré dans ce palais, don César fut
introduit dans un petit cabinet, désert pour le moment.
    L’intendant le pria d’attendre là un instant, le temps d’aller
aviser sa maîtresse.
    Le Torero acquiesça d’un signe de tête et, tandis que
l’intendant se retirait, il demeura debout, l’air rêveur.
    Dans le couloir où il s’engagea, le vieil intendant tout cassé
redressa soudain sa taille, et d’un pas alerte et vif il monta au
premier étage et pénétra dans un salon dont le balcon large et
spacieux étalait sur la place le ventre rebondi de sa balustrade en
fer forgé.
    Assise dans un large fauteuil de velours, dans un costume d’une
grande simplicité, blanc, depuis les pieds nonchalamment posés sur
un coussin de soie rouge merveilleusement brodé jusqu’à la
collerette très simple, sans un bijou, sans un ornement,

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