Les amours du Chico
Fausta
attendait dans une pose méditative.
Le singulier intendant, qui venait de retrouver si soudainement
la vigueur d’un homme dans la force de l’âge, s’inclina
profondément devant elle et attendit.
– Eh bien, maître Centurion ? interrogea Fausta.
Centurion, puisque c’était lui qui, adroitement grimé, venait de
jouer le rôle d’intendant, Centurion répondit
respectueusement :
– Eh bien ! il est venu, madame.
Si Fausta fut satisfaite, elle n’en laissa rien paraître. Elle
se contenta d’un léger signe de tête pour manifester sa
satisfaction, et très calme, l’air presque indifférent :
– Vous l’avez amené ?
– Il attend votre bon plaisir en bas.
Fausta répéta le même signe de tête et parut réfléchir un
moment.
– Il ne vous a pas reconnu ? fit-elle avec une
certaine curiosité.
Centurion fit une grimace qui avait la prétention d’être un
sourire :
– S’il m’avait reconnu, dit-il avec conviction, je n’aurais
pas l’honneur de l’introduire auprès de vous.
Fausta eut un mince sourire.
– Je sais qu’il ne vous affectionne pas précisément,
dit-elle.
Centurion eut encore la même grimace et, piteusement :
– Dites qu’il me veut la male-mort, madame, et vous serez
dans le vrai. Cela ne laisse pas de m’inquiéter beaucoup. Car
enfin, si vos projets aboutissent et qu’il continue à me détester,
c’en est fait de la situation que vous avez daigné me faire
entrevoir.
Le sourire de Fausta se nuança d’une imperceptible raillerie. Et
comme Centurion attendait sa réponse avec une anxiété
visible :
– Rassurez-vous, maître, dit-elle gravement. Continuez à me
servir fidèlement sans vous inquiéter du reste. Le moment venu, je
ferai votre paix avec lui. Je réponds que le roi oubliera les
injures faites à l’amoureux sans nom et sans fortune.
– J’avais besoin de cette assurance, madame, proféra
Centurion, redevenu tout joyeux.
– Introduisez-le, continua Fausta ; et dès qu’il sera
parti, revenez prendre mes ordres.
Centurion s’inclina et sortit immédiatement.
Quelques instants plus tard il introduisit le Torero auprès de
Fausta et, après avoir refermé la porte sur lui, il se retirait
discrètement.
En voyant Fausta, don César fut ébloui. Jamais beauté aussi
accomplie n’était apparue à ses yeux ravis. Avec une grâce
juvénile, il s’inclina profondément devant elle, autant pour
dissimuler son trouble que par respect.
Fausta remarqua l’effet qu’elle produisait sur le jeune homme.
Elle esquissa un sourire. Cet effet, elle avait cherché à le
produire, elle l’espérait. Il se réalisait au-delà de ses désirs.
Elle avait lieu d’être satisfaite.
D’un œil exercé, elle étudiait le jeune prince qui attendait
dans une attitude pleine de dignité, ni trop humble ni trop fière,
juste ce qu’il fallait. Cette attitude, pleine de tact, la mâle
beauté du jeune homme, son élégance sobre, dédaigneuse de toute
recherche outrée, le sourire un peu mélancolique, l’œil droit, très
doux, la loyauté qui éclatait sur tous ses traits, le front large
qui dénotait une intelligence remarquable, enfin la force physique
que révélaient des membres admirablement proportionnés dans une
taille moyenne, Fausta vit tout cela dans un coup d’œil, et si
l’impression qu’elle venait de produire était tout à son avantage,
l’impression qu’il lui produisit, à elle, pour être prudemment
dissimulée, ne fut pas moins favorable.
Fausta accentua son sourire et, satisfaite, elle se dit que ce
jeune aventurier ferait un souverain très noble et très fier,
susceptible de faire impression sur la foule, qui s’attache
beaucoup plus aux apparences qu’à la réalité ; enfin, placé
près d’elle, il ne serait pas écrasé. Au contraire, sa grâce
juvénile, son élégance naturelle seraient mises en relief par la
beauté majestueuse de la femme, qui ressortirait davantage
elle-même. Ils se feraient valoir mutuellement, et tous deux ils
constitueraient ce que l’on est convenu d’appeler un couple
merveilleusement assorti.
De cet examen très rapide, qu’il soutint avec une aisance
remarquable, sans paraître le soupçonner, le Torero se tira tout à
son avantage. Chez Fausta, la femme et l’artiste se déclarèrent
également satisfaites. Évidemment, elle n’attachait qu’une
importance relative à ces détails secondaires. Ce n’était pas un
homme qu’elle voulait
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