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L'épopée d'amour

Titel: L'épopée d'amour
Autoren: Michel Zévaco
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un vieillard à physionomie démoniaque ; une espèce de rictus qui découvrait les trois ou quatre dents de ses mâchoires desséchées comme du parchemin, balafrait ce visage couturé de rides, et la lueur de la torche faisait briller ses yeux d’étranges paillettes rouges.
    Il était accroupi plutôt qu’assis sur son billot, et il s’occupait très consciencieusement à aiguiser un couteau de cuisine long, mince et affilé.
    Or, ce vieux qui semblait se préparer à quelque besogne de bourreau, le maréchal le reconnut aussitôt, ainsi que le malheureux attaché à son poteau.
    Le vieux, c’était Gilles.
    Le jeune, c’était Gillot.
    Expliquons en quelques mots comment Gillot se trouvait dans cette cave, alors que la plus élémentaire notion de la prudence eût dû lui conseiller de mettre le plus d’espace possible entre lui et son digne oncle.
    Gillot, comme nos lecteurs ont pu le constater, avait reçu du ciel un certain nombre de vices en partage. L’on sait assez avec quelle prodigalité le ciel qui, assurent les bonnes âmes, se charge de répandre sur la terre les bonnes et les mauvaises qualités, a distribué les vices et avec quelle révoltante parcimonie il a épandu les vertus. Gillot était vicieux. Il était poltron, cafard, libidineux, gourmand ou plutôt goinfre, paresseux, fainéant et même « faignant » – car il y a une nuance entre la « fainéantise » et la « faignantise » – méchant quand il le pouvait, lâche par conséquent, en somme un répugnant personnage.
    Mais par-dessus tout, Gillot était avare.
    Il tenait cela de son oncle, qui était l’avarice incarnée.
    Ce fut cette avarice qui perdit l’infortuné Gillot, de même que l’amour perdit Troie.
    En effet, au moment où, après l’héroïque résistance de Gilles, qui, comme on l’a vu, s’était obstinément refusé à révéler le secret du maréchal, Gillot, pour sauver ses oreilles, avait raconté à Pardaillan en quelle maison se trouvaient Jeanne de Piennes et Loïse ; à ce moment-là ; disons-nous, profitant de la prostration de son oncle et de l’émotion des deux Pardaillan, Gillot s’était éclipsé sans bruit.
    La poltronnerie, alors, le dominait tout entier.
    Il venait de sauver ses oreilles – ces larges oreilles auxquelles, d’après les dires du vieux Pardaillan qui avait des idées spéciales en esthétique, il avait si grand tort de tenir.
    Mais ce n’était pas tout, les oreilles ne constituant en somme qu’un ornement de sa figure.
    Il s’agissait maintenant de sauver le corps tout entier.
    Pardaillan n’avait menacé que les oreilles, et encore prétendait-il ainsi embellir la face rougeaude de Gillot.
    Mais Gilles ! Ah ! l’inexorable colère de l’oncle s’attaquerait à sa vie même ! Gillot s’attendait pour le moins à être pendu si jamais il se trouvait nez à nez avec le terrible vieillard qui n’avait pas hésité à offrir sa vie et sa fortune plutôt que d’encourir la disgrâce de son maître !
    Et ce maître lui-même, que ferait-il de Gillot ?…
    Gillot frémit. Gillot sentit des ailes pousser à ses talons. Gillot escalada l’escalier avec toute la vélocité de l’épouvante la plus justifiée. Gillot, en quelques secondes, se trouva dans l’office, et là, il se dit :
    « Voyons, je ne puis rester à Paris. Si je n’y mourais de pendaison, de strangulation, ou d’estrapade, j’y mourrais de peur, ce qui est tout un. Il faut que je m’en aille. Où cela ? au nord ? au midi ? Peu importe, pourvu que ce soit loin, très loin ! Partons !… »
    Et Gillot fit un mouvement pour s’élancer.
    Mais au même instant, sa figure se rembrunit. Pour aller loin, il faut beaucoup d’argent. Et Gillot s’étant fouillé, constata qu’il se trouvait en tout et pour tout propriétaire d’un écu deux sols et six deniers.
    Presque aussitôt, une réflexion traversa sa cervelle matoise, et sa figure prit à l’instant une expression d’hilarité qui eût pu faire croire qu’il devenait fou.
    Non, Gillot n’était pas fou !
    Simplement, il venait de se rappeler que s’il était pauvre, son oncle était fort riche ! A force de musarder et de fouiller dans l’hôtel, Gillot avait découvert depuis longtemps le vénérable coffre où Gilles entassait les écus qu’il avait gagnés indistinctement avec ceux qu’il avait volés.
    Ce coffre, jamais Gillot n’était parvenu à l’ouvrir en douceur. Mais les circonstances étaient telles qu’il
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