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L'épopée d'amour

Titel: L'épopée d'amour
Autoren: Michel Zévaco
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fixité de sa pensée, qu’elle ne s’aperçut pas de l’évanouissement de Loïse.
    Elle se mit en marche en songeant :
    – O mon François, ô ma Loïse, je vais donc vous voir réunis ! Je vais donc pouvoir mourir dans vos bras !… Car je meurs, je sens que déjà ma pensée se meurt…
    Elle ouvrit la porte que lui avait indiquée Pardaillan, et elle vit François de Montmorency.
    Elle voulut, elle crut même s’élancer vers lui.
    Elle crut qu’une joie énorme la soulevait, comme la vague soulève une épave.
    Elle crut pousser une grande clameur où fulgurait son bonheur.
    Et tout ce mouvement de sa pensée se réduisit brusquement à cette parole qu’elle crut prononcer :
    – Adieu… je meurs…
    Puis il n’y eut plus rien en elle.
    Elle fut comme morte.
    Seulement, ce ne fut pas son corps qui mourut…
    Sa pensée seule s’anéantit dans la folie : cette femme qui avait supporté tant de douleurs, qui avait tenu tête à de si effroyables catastrophes qui l’avaient frappée coup sur coup sans relâche, cette admirable mère qui n’avait été soutenue pendant son calvaire que par l’idée fixe de sauver son enfant, cette malheureuse enfin s’abandonna, cessa de résister dès l’instant même où elle crut sa fille sauvée, en sûreté ! La folie qui, sans doute, la guettait depuis des années, fondit sur elle.
    Dix-sept ans et plus de malheur, n’avaient pu la terrasser.
    Une seconde de joie la tue.
    Jeanne de Piennes était folle !…
    Mais par une consolante miséricorde de la fatalité qui s’était acharnée sur elle – si toutefois il est des consolations dans ces drames atroces de la pensée humaine ! – par une sorte de pitié du sort, disons-nous, la folie de Jeanne la ramenait aux premières années de sa radieuse jeunesse, de son pur amour, dans ces chers paysages de Margency où elle avait tant aimé, parmi les fleurs que créait son imagination…
    Pauvre Jeanne ! Pauvre petite fée aux fleurs !
    L’histoire injuste, l’histoire qui prend plaisir à raconter les cruautés des puissants, à admirer les guerres des rois, l’histoire dédaigneuse des plaintes qui montent du fond de l’humanité, ne t’a consacré que quelques mots arides.
    Une fleur qui tombe !… Qu’est-ce que cela auprès des pompes royales !
    Pour le rêveur qui aime à pénétrer d’un pas hésitant dans les sombres annales du passé, qui cherche en tremblant parmi l’amas des décombres, l’humble fleurette qui a vécu, aimé, souffert, tu demeures un pur symbole de la souffrance humaine, et nous qui venons de retracer ta douleur, nous saluons d’un souvenir ému ta douce et noble figure.
    Lorsque le maréchal de Montmorency revint à lui, il se souleva sur un genou et, jetant à travers la salle le regard étonné de l’homme qui croit sortir d’un rêve, il vit Jeanne assise sur un fauteuil, souriante, la physionomie apaisée, mais hélas ! les yeux sans vie.
    Une jeune fille agenouillée devant elle, la tête cachée dans les genoux de la folle, sanglotait sans bruit.
    Jeanne, d’un mouvement machinal et doux, caressait les cheveux d’or de la jeune fille.
    François se releva et s’approcha, en titubant, de ce groupe si gracieux et si mélancolique.
    Il se baissa vers la jeune fille et la toucha légèrement à l’épaule.
    Loïse leva la tête.
    Le maréchal la prit par les deux mains, la mit debout sans que sa mère essayât de la retenir et il la contempla avec avidité.
    Il la reconnut à l’instant. Et lors même que l’attitude de Loïse ne la lui eût pas désignée pour sa fille, il l’eût reconnue entre mille.
    Loïse était le vivant portrait de sa mère.
    Ou plutôt, elle était le commencement de Jeanne telle qu’il l’avait vue et aimée à Margency.
    – Ma fille ! balbutia-t-il.
    Loïse, toute frissonnante de sanglots, se laissa aller dans les bras du maréchal et, pour la première fois de sa vie, avec un inexprimable ravissement mêlé d’une infinie douleur, elle prononça ce mot auquel ses lèvres n’étaient pas accoutumées…
    – Mon père !…
    Alors, leurs larmes se confondirent. Le maréchal s’assit près de Jeanne dont il garda une main dans ses mains, et prenant sa fille sur ses genoux, comme si elle eût été toute petite, il dit gravement :
    – Mon enfant, tu n’as plus de mère… mais dans le moment même où ce grand malheur te frappe, tu retrouves un père… Puisse-t-il trouver la force d’imiter celle qui est près de nous
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