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L'épervier de feu

L'épervier de feu

Titel: L'épervier de feu
Autoren: Pierre Naudin
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cela qu’un grand écu et un harnois de fer.
    Il attacha son arc au flanc de son Noiraud et se lesta du carquois qu’il mit sur son dos, en écharpe. Il accrocha la farde contenant son armure au troussequin de la selle et suspendit le sac enfermant le crâne de son oncle, au pommeau. Barbeyrac attentif à ces apprêts se tourna, quand ils furent achevés, vers Saveuse.
    — Je n’ai que mon armure, dit-il. Loïs, nous te confions la mangeaille.
    — Il me manque une épée, regretta le Cambrésien.
    — Nous t’en trouverons une… Êtes-vous prêts ?… En selle.
    Ogier regretta de s’être approprié le commandement. Cependant, recrus de fatigue et d’émoi, ses compères lui parurent indifférents à cette prérogative aussi indue qu’involontaire.
    Ils chevauchèrent à la queue leu leu sur le quai, entre des nefs désertes, destinées au radoub, et des hangars devant lesquels, immobiles, des mariniers, archers et capitaines les regardaient passer. Tous ces Anglais ignoraient qui étaient ces trois hommes de médiocre apparence mais dont le dos droit, la tête enchaperonnée, altière, et surtout la façon de monter révélaient des chevaliers.
    Ils entrèrent dans des rues étroites, éclairées par des lanternes avaricieuses. Les ombres des passants dansaient sur les murs et le pavement. Des échoppes apparurent, et des tavernes ; il en sourdait du tumulte et des cris joyeux. Ogier les supporta aussi mal que des insultes à lui seul adressées.
    « Des centaines de gens sont morts de la famine ! Ces Anglais de malheur souillent leur mémoire sur les lieux mêmes où ils trépassèrent ! »
    Ils allaient prudemment, l’œil mouvant, la bouche close. Parler eût été se trahir, provoquer des interpellations auxquelles il eût bien fallu répondre. Cette avance lente, calculée, parmi tant d’ennemis en liesse, ne fit qu’aggraver la mélancolie des trois Franklins enfin libres, si toutefois la male chance n’opposait point d’obstacle à leur cheminement.
    La rue s’étrécissait ; elle devint venelle. Impossible de demeurer serein en présence des fantômes luxurieux, étiques ou opulents, qui se dégageaient des ténèbres. Sur le seuil d’un bordeau, des filles dénudées sollicitaient les hommes avec cet air avide et insouciant qu’Ogier avait connu à la défunte Griselda. Il avait fréquemment évoqué la petite ; désormais, son visage pathétique ne venait le hanter que lorsqu’il songeait aux joutes d’Ashby. Vivante et esseulée, peut-être eût-elle achevé dans ce havre sa pitoyable existence. Et le pire, songea-t-il, c’était que quelque laides qu’il les trouvât, il ne pouvait s’empêcher de regarder ces femmes. Il ne savait plus rien de la féminité : ni les formes ni le goût ni l’odeur subtile, ensorcelante, d’une chair tiède, soyeuse. Jours semblables quel qu’en fut l’aspect. Froidures et chaleurs sous des soleils mesquins ou généreux. Jours d’attente sommeilleuse. Jours mouvementés à la chasse et aux déduits [27] des armes. Nuits aux songes inégaux et fiévreux sous des lunes rondes ou faucillantes, traversées pêle-mêle de nudités diaphanes qu’il eût aimé saisir, attirer sur sa couche afin d’apposer sa bouche sur leurs rondeurs, leurs entailles, et sombrer dans des vertiges sans fond.
    Barbeyrac lui aussi observait les follieuses. Il dit sourdement :
    — Saurai-je encore comment m’y prendre avec Alix ?
    — Hé ! Hé ! ricana Loïs de Saveuse.
    Une ombre jaunâtre les ensevelit. Ogier levait les yeux sur des fenêtres noires dans la crainte d’y voir une luisance d’arme quand une main saisit son cheval au frein.
    — Messire ! Messire !
    Il avait un moment évoqué Griselda ; c’était Élisabeth qui surgissait près de lui, la bouche emplie d’un cri d’écorchée vive.
    — Je vous ai reconnu, messire !
    — Lâchez ce cheval, Lisbeth ! Laissez-moi poursuivre !
    — Faites ce qu’il vous dit, grommela Barbeyrac.
    — Nous n’avons point de temps à perdre ! hurla Saveuse.
    — Sauvez-moi ! supplia Élisabeth. Je me repens de tout le mal que j’ai commis.
    Elle était demi-nue, elle aussi. Échevelée. Son sein débordait. Elle pleurait et sa contrition semblait sincère.
    — Je vous ai sauvée une fois au péril de ma vie. Pour toute récompense, vous n’avez fait sciemment que me préjudicier !
    Ogier sentait son cœur, sa gorge empouacrés d’amertume. « Point de compassion ! » Griselda
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