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L'épervier de feu

L'épervier de feu

Titel: L'épervier de feu
Autoren: Pierre Naudin
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des deux cités ; l’ancien Calais, en pierre, et le nouveau, Ville-Neuve-la-Hardie : derrière de hautes palissades, un ramas de masures de bois et de torchis coiffées de chaume en lesquelles, pendant un an, les Goddons avaient attendu que la famine vint à bout du courage des assiégés.
    — Nous y sommes, dit Barbeyrac. Que penses-tu, Ogier, que nous fassions ?
    — Calais est entièrement anglais, dont cinq ou six bourgeois moult dévoués à Édouard III. Je me souviens du nom de l’un d’entre eux, appointé par le roi d’Angleterre : Eustache… Eustache de Saint-Pierre.
    — Les traîtres ! grommela Loïs de Saveuse. Il faut nous escamper de ce port : il doit être bourré d’hommes d’armes. Tudieu ! que des gens de chez nous puissent s’accointer aux Goddons dépasse l’entendement !
    — C’est pourtant la vérité.
    Les marchands s’étaient réunis à la poupe ; les archers s’alignaient au milieu du pont. Eux, les Franklins, attendaient devant la porte ouverte du logis où les chevaux sabotaient d’impatience.
    — Il nous faut traverser cette cité en hâte, dit Barbeyrac. La peste peut y être arrivée.
    Une nacelle à deux rameurs s’approchait de la George  ; un troisième homme, debout, se tenait à l’avant.
    — Voilà le lootsman [25] qui va nous conduire à quai, dit le capitaine.
    Il courut accueillir ce lamaneur auquel on venait de lancer une échelle de corde.
    Saveuse eut un sourire imprégné de mépris :
    — Il est tout heureux que nous ayons noyé Kemper à sa place. Le voilà la conscience nette, aussi resplendissant que le gambison qu’il vient de mettre sur son pourpoint.
    De nouveau les mariniers grimpèrent dans la mâture. Ogier se désintéressa de leurs mouvements et de leurs cris. Calais ! Les Anglais l’y avaient embarqué demi-mort sur l’Édouarde à destination de l’Angleterre. Il y revenait bien vivant.
    — Dans guère plus d’une semaine, je serai à Gratot.
    — Je t’y accompagne, dit Loïs de Saveuse. Je reviendrai, ensuite, en Cambrésis.
    La George glissa lentement sur l’eau noire pailletée de lueurs dont certaines s’épousaient. De la proue, un homme guidait le laman, immobile au gouvernail. La nef se faufila dans un chemin d’amarques [26] , frôla des naves, d’autres nefs à l’amarre, puis un dromon démâté, privé de sa queue de poupe. Il ne restait que deux cargueurs dans les cordages lorsque le vaisseau couvrit de son ombre des hourques pareilles à de petites baleines.
    Ce fut l’immobilité ; les voiles remontées, les mariniers descendus ; un demi-silence empli de clapotements contre la coque et de piétinements sur les ponts. Soulagés d’être rendus, les marchands parlèrent plus fort ; non moins heureux que les gens du négoce, les archers se mirent à rire. Ogier écouta bruisser les vaguelettes.
    Enfin, le souhait qui l’avait hanté sans trêve devenait réalité. Félicité que ce qu’il éprouvait ? Non : une anxiété sournoise, obsédante, s’agglutinait à son plaisir. Comment seraient les siens quand il les reverrait ?
    Un épais raclement mit fin à ses pensées : des hommes, sur la jetée, amenaient une passerelle et la poussaient vers la George, dont le bordage affleurait le quai. Aussitôt, d’un pas flexible, les archers traversèrent, puis les marchands, plus lents et même craintifs.
    — Allons, messires ! dit William Piers avec un geste de congédiement qui révélait peut-être un mépris recouvré. Détachez vos roncins et partez pour la France… ou ce qu’il en reste.
    — Va au diable ! grommela Loïs de Saveuse sans crainte d’être entendu.
    — Tu prendras le sommier, dit Ogier au Cambrésien. Nous nous en partagerons les charges.
    Les chevaux franchirent hardiment la passerelle et, tandis qu’Ogier les tenait par la bride, Barbeyrac et Saveuse débarquèrent les fardeaux.
    — Ces bêtes sont presque en meilleur état que nous, dit Barbeyrac en faisant trois parts du fourniment.
    Ogier fut enclin à envier sa gaieté. À l’admirer peut-être.
    — Il ne faudra pas trop leur demander, dit-il. Prenons notre temps. Sitôt hors de Calais, nous irons lentement et nous leur trouverons du fourrage.
    Il tâta, sous son pourpoint, le sauf-conduit qu’il portait dans un sachet de cuir suspendu à son cou par une cordelette et invita ses compagnons à vérifier s’ils en étaient toujours pourvus :
    — Ce ne sont point des choses à perdre. Mieux vaut
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