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L'épervier de feu

L'épervier de feu

Titel: L'épervier de feu
Autoren: Pierre Naudin
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n’est ni notre ami ni notre ennemi. C’est la charité, l’esprit de miséricorde qui nous ont incités à la compassion.
    — Eh bien, continuez !… Il dit qu’il a la peste.
    — Si c’est la vérité, messires, vous devriez monter sur le pont et vous y nettoyer d’embruns et de bon air !
    Ogier pensait que le conseil serait sans conséquence. Il n’en fut rien : précédés du barbu chétif et clopinant, les marchands s’engagèrent dans l’escalier de l’écoutille.
    L’entrepont quasiment vide reprit ses dimensions. Ogier s’aperçut de la présence d’une lanterne à parois de corne et de cuivre qui, suspendue à l’un des pitons du plafond, balançait ses lueurs et ses grincements. Il s’en saisit tandis que Barbeyrac et Saveuse hissaient Kemper, hurlant de douleur, sur son grabat. Plutôt que de s’atténuer, les lamentations du misérable augmentèrent jusqu’à couvrir, parfois, le grondement de la mer.
    — Bon sang ! dit Barbeyrac. Il ne crierait pas tant si nous l’écorchions.
    À la fade clarté de la lanterne, ils dévisagèrent le malade. Son visage suant, jaunâtre – sans que la corne protégeant la flamme en fût cause – se maculait de sombres tavelures. Il semblait que Kemper, les paupières levées, les yeux exorbités, immobiles, était frappé de cécité. Saveuse toucha, par-dessus le tissu mouillé des hauts-de-chausses, l’excroissance de l’abcès.
    — Cela grossit, dit-il en raccrochant la lanterne à son piton.
    — Il faudrait l’apaiser. Il ne gémit plus, mais s’il souffre à nouveau, il recommencera.
    — Oui, Étienne, dit Ogier. Il faut l’apaiser.
    — Comment ? fit une voix.
    Prévenus, sans doute par un marchand, le capitaine et son maître d’équipage venaient d’arriver presque subrepticement. La lanterne, en se balançant, projetait derrière eux, au plafond, leurs ombres épaisses et chancelantes. Ils n’osaient faire un pas, un geste. Ils avaient l’un et l’autre un visage si pâle qu’ils semblaient malades, eux aussi.
    —  Hilfe ! Hilfe ! cria Kemper.
    — Il appelle au secours, dit le maître d’équipage.
    — Il est perdu, murmura Guillaume Piers.
    — Nul ne peut préjuger de sa fin, dit Saveuse. Il suffirait d’une compresse pour apaiser son mal. Vous devez bien avoir quelques remèdes à bord.
    Le capitaine n’avait rien d’autre que des bandes et des charpies. Entraînant Ogier et Saveuse à l’écart, il prit une voix faussement chagrine :
    — C’est ainsi que la peste noire s’annonce, messires. La black plague chez nous, la morille chez vous. Si ce malade était à moi, je le ferais jeter vélocement à l’eau… Il paraît qu’il sert notre roi Édouard… Je ne veux point encourir un blâme ou ma destitution… Vous, vous êtes libres. Libres d’agir selon mes intentions.
    William Piers, de ses paumes, écrasa la sueur répandue sur son front et ses joues.
    — Si l’un de vous faisait ce que je ne puis faire ou en donner commandement, je lui en aurais du gré.
    Ogier détesta soudain cette face grasse, vermiculée de couperose, qui s’écartait de la sienne comme si Piers venait d’y découvrir les stigmates du mal maudit.
    — Messire, dit-il, je me sens incapable de commettre une aussi vile action. J’en fais serment sur Confiance, cette épée dont je suis ceint.
    Il tira de moitié sa lame du fourreau.
    — Je vous conseille, messire, d’ouvrir votre coffre à remèdes. Voulez-vous que je vienne avec vous ? Vous me baillerez charpie, bandes, compresses… Il nous faut de quoi composer un emplâtre.
    Le maître d’équipage donna son avis :
    — C’est peine perdue… mais l’on peut essayer parce que Dieu nous juge. Nous avons de l’eau-de-vie, des oignons, de la farine de moutarde… Quelques pots d’onguents…
    — Une fomentation d’oignons, dit Barbeyrac. Bien chaude… Le pus remontera des profondeurs du corps. Une incision rendra la santé à cet homme.
    — Dieu vous assiste ! Accompagnez-nous, messire.
    Barbeyrac suivit les Anglais.
    « Est-ce la peste ? » se demanda Ogier.
    Il entraîna Saveuse assez loin de Kemper.
    Quand il sentit du chaud s’appuyer sur son aine, le malade poussa un rugissement. Comme il se débattait, ses braies se dénouèrent.
    — Regardez ! dit Ogier. Une bosse lui vient de l’autre côté de l’escarcelle.
    Un autre bubon commençait à bouffir tandis que celui qui venait d’être enflammé par l’emplâtre
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