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L'épervier de feu

L'épervier de feu

Titel: L'épervier de feu
Autoren: Pierre Naudin
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habillé dignement, demanda quel était cet homme qui, dans ses poulaines, ressemblait à un âne qu’on eût chaussé de patins à glace.
    — Un espie du roi d’Angleterre. On lui a demandé de choisir entre la mort comme lèse-majesté et la vie comme perfide… Sa belle cuirasse religieuse et les commandements de sa vocation ne l’ont pas protégé de l’ignominie d’un ouvrage que je ne saurais, quant à moi, accomplir.
    — Cela nous importe peu, dit Barbeyrac. Ce soir, nous serons à Calais.
    — En es-tu si certain ?… Ce ciel de suie semble nourrir une tempête.
    D’un geste lent et ample de ses bras, Barbeyrac enveloppa la George.
    —  Ce vaisseau est un bon boulinier. Cela se voit d’un coup.
    — Boulinier ? demanda Ogier.
    — Cela signifie qu’il tient bien le vent et qu’il taillera aisément sa voie dans les vagues… Il y avait quelques maîtres d’équipage prisonniers avec moi. Ils m’ont enseigné la marine.
    — Qu’as-tu d’autre à nous dire sur notre traversée ? demanda Loïs de Saveuse. Crains-tu quelque difficulté ?
    — Rien… ou si peu : que la George fasse chapelle. Autrement dit, qu’une saute de vent amollisse les voiles et que nous virions de bord pour un temps.
    — Le vent se maintient, dit Ogier.
    En effet, il sifflait dans les cargues et les haubans, mais point n’était besoin d’être connaisseur pour deviner que les souffles puissants qui labouraient la mer resteraient défavorables. Dans le ciel envahi de gros nuages noirs, le soleil n’osait se montrer. William Piers emboucha son braillard de cuivre :
    — Dégagez la dunette !… Les passagers dans l’entrepont ou seulement au pied de l’escalier du château de poupe !
    — Restons. Nous serons seuls, dit Loïs de Saveuse.
    — Pas tout à fait, dit Ogier. Voyez Kemper. Il se penche par-dessus bord… Il est livide.
    — Larguez les huniers ! cria le maître d’équipage.
    Il y eut des piétinements sur le plancher du pont et l’attention des Français se porta sur les mariniers à la manœuvre, pareils à des araignées dans la trame des cordages.
    — Cette fois, nous allons partir, dit Loïs de Saveuse.
    Les hommes œuvraient en silence tandis que les commandements du maître d’équipage les stimulaient, à travers le claquement des bannières. Les guindeaux et les chaînes grincèrent ; l’ancre ripa la coque et parfois la jetée.
    — Je n’ose y croire, dit Barbeyrac.
    La grand-toile, la misaine, les huniers établis, la George, ses amarres larguées, remua plus fort. William Piers emboucha derechef son braillard et relaya le maître d’équipage :
    — Laissez porter !
    La nef, en craquant, se détacha de la jetée. Ogier ferma les yeux sur des larmes acides. Il partait !… Enfin ! Il perçut le sabotement des chevaux inquiets, non loin de lui, le crissement des poulies, des haubans ; les claquements des voiles libérées de leurs ris.
    — Désormais, dit Loïs de Saveuse, nous ne vivons plus un songe.
    Les cris de William Piers retentissaient, retransmis à l’équipage par un grand borgne coiffé d’une aumusse de cuir rouge, et qui tenait du bourreau plus que du nautonier :
    —  Laissez porter… Lofe un peu !… Continue de peser sur ce wendrop [12]  !
    Puis, après un silence chargé des innombrables cris des mouettes :
    —  Dégagez ce boghesprete [13] … Allons, du nerf !
    La George avançait sans peine, poussée de trois-quarts par le vent sec et froid. Ogier, les pouces enfoncés dans sa ceinture d’armes, son épée, Confiance, battant sa cuisse, alla s’adosser à l’accastillage et regarda les hommes qui abandonnaient leurs perchoirs. Le gabier, resté seul dans la mâture, chantait.
    — Nous allons déboucher dans le Strait of Dover, dit Kemper en s’avançant. Parfois l’on y aperçoit des nefs de France. Il est rare qu’elles tentent une approche.
    Les mouvements du navire s’accentuaient tandis que les craquements et sifflets, dans le gréement, prenaient de la vigueur et de la discordance. Vers le sud, on ne savait trop où le ciel rejoignait la mer grise, creusée de fosses profondes, déchiquetées sur leurs bords. Sandwich n’était plus qu’un grand corps étendu dans ses feux clignotants comme des bossettes de cuivre.
    La tête par-dessus bord, Kemper cracha dans le vide, se gratta le cou et demanda :
    — Messires, l’un de vous veut-il regarder ce que j’ai là ?
    Ouvrant l’encolure de sa houppelande
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