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Le spectre de la nouvelle lune

Le spectre de la nouvelle lune

Titel: Le spectre de la nouvelle lune
Autoren: Marc Paillet
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pour faire fructifier ce que Dieu a placé si généreusement à la disposition de l’homme, constata l’abbé saxon.
    — Pourtant voilà plus de vingt ans que notre souverain a restauré ici Ordre et Paix, rappela le frère Antoine qui, comme Doremus et Timothée, chevauchait à hauteur du missus dominicus.
    — Certes, dit Doremus avec un soupir. Mais s’il ne faut qu’un instant pour tuer un être, moins d’une heure pour détruire l’œuvre de plusieurs générations… il faut bien plus de vingt ans pour redonner vie à une contrée.
    Dans les bourgades où passait le détachement conduit par le missionnaire de l’empereur, il était accueilli de deux façons bien différentes : les uns sortaient sur le pas de leur maison pour l’acclamer, souvent en une langue germanique ; les autres s’enfermaient, portes soigneusement closes, avec crainte. Il est vrai que cette troupe pouvait paraître menaçante : en tête chevauchait Sauvat portant l’enseigne de la mission, puis venait Erwin en sa tenue sévère, encadré par ses assistants ; derrière les quatre gardes impériaux, colosses formidables, cahotaient deux fourgons portant équipements et ravitaillement, et qui étaient conduits l’un par l’intendante Marie-Flore, l’autre par Fayard, le maître queux. Les domestiques fermaient la marche.
    A Charost, au moment où le convoi entrait dans le bourg, un bambin était demeuré seul à jouer sur la chaussée. Tout à coup la porte d’une chaumière s’ouvrit, la mère de famille sortit comme une furie, saisit son enfant avec vivacité, le serra contre elle, le couvrit de baisers tout en jetant des regards épouvantés sur Erwin et Sauvat, rentra en catastrophe et claqua la porte. Le tout n’avait pris qu’un instant.
    L’abbé s’arrêta, regarda la masure en hochant la tête d’un air navré.
    — Avons-nous donc l’air de tueurs d’enfants ? dit-il à mi-voix.
    — Non pas ! répondit Doremus qui s’était approché. Sans doute pas… Mais d’autres, avant nous, à qui nous ressemblons, hélas ?…
    — Un ancien « marquis des clairières » sait de telles choses, n’est-ce pas, Doremus ?
    — Pour te servir, seigneur.
    Il ne fallut pas moins de douze heures au détachement, par une route souvent en mauvais état, pour atteindre à la nuit tombante la cité de Châteauroux. Sturbius y avait dépêché un messager pour prévenir le vicomte Farald et lui faire mille recommandations. Aussi, dès leur arrivée, Erwin et son escorte furent-ils conduits vers une résidence soigneusement aménagée, où un festin attendait le missus et ses assistants. Farald avait même prévu un banquet auquel participeraient des notables. Le passage d’un proche collaborateur du souverain, et doté de pleins pouvoirs, constituait un événement qu’il voulait célébrer avec faste, et grâce auquel, d’ailleurs, il espérait renforcer sa propre position. L’abbé Erwin refusa : la route avait été longue, pénible, tous étaient fatigués ; il faudrait la reprendre dès l’aube ; et surtout les circonstances ne se prêtaient pas à des festivités.
    — Il importe avant tout, souligna-t-il, que nous délibérions sur ce qui se passe dans la Brenne, en particulier concernant le résultat des enquêtes que tu as entreprises sur mandat du comte de Bourges. Nous allons donc tenir conseil, moi-même, mes collaborateurs et toi, tout en nous restaurant… et loin de toute oreille indiscrète.
    Devant la mine dépitée du vicomte, Erwin, avec un sourire, ajouta :
    — Peut-être t’étais-tu engagé vis-à-vis de certaines personnalités de cette ville, un peu trop, un peu trop tôt, un peu trop vite… Mais je ne méconnais pas l’importance que revêt notre venue pour ta propre autorité…
    Brève pause.
    — … C’est pourquoi j’accepte que, à défaut de banquet, une courte réception, après notre souper, me permette de les rencontrer, d’échanger avec eux quelques propos. Cela peut aussi être instructif.
    — Comment te dire ma gratitude, seigneur ?
    — Mais en continuant à servir l’empereur Charles le Juste de toutes tes forces, avec un dévouement inlassable !
    Après que le missus, ses assistants et les autres membres du détachement se furent installés, et qu’Erwin se fut reposé un instant, ce dernier, accompagné par Timothée, Doremus et le frère Antoine, gagna la salle de réception où se trouvaient déjà le vicomte Farald et de nombreux serviteurs. Une abondance de
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