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Le seigneur des Steppes

Le seigneur des Steppes

Titel: Le seigneur des Steppes
Autoren: Conn Iggulden
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de foie au fond du gosier
jusqu’à ce que la bête ne puisse que l’avaler. Quand il la vit déglutir, il lui
caressa la gorge, lâcha le morceau et retira sa main.
    — Ne la laisse pas s’approcher d’autres animaux, dit-il,
hors d’haleine, ou la chose se mettra à revivre et se répandra, retournera
peut-être même dans le corps de ton fils.
    Fixant les deux femmes, il continua :
    — Il vaudrait mieux réduire cette chèvre en cendres. Il
ne faut pas la manger car sa chair contient maintenant la grosseur, soyez-en
sûres. Je n’aurai pas la force de recommencer.
    Il se laissa tomber sur le sol comme s’il avait perdu
connaissance mais continua cependant à haleter comme un chien au soleil. Il
entendit alors Temüge dire d’une voix étonnée :
    — La douleur est partie. J’ai encore mal, mais ce n’est
rien comparé à avant.
    Entre ses paupières mi-closes, Kökötchu vit Hoelun se
pencher sur son fils, qui hoqueta lorsqu’elle toucha l’endroit où un boyau s’était
échappé de la paroi musculaire du ventre.
    — La peau est intacte, murmura le jeune homme, impressionné.
    Le chamane choisit ce moment pour se relever. Le regard
trouble, il cligna des yeux dans la fumée. Ses longs doigts fouillèrent les
poches de son deel , trouvèrent un morceau de crin de cheval tressé
maculé de vieilles taches de sang.
    — Je vais l’attacher sur la blessure pour que rien ne
puisse y entrer, annonça-t-il.
    Les deux femmes gardèrent le silence pendant qu’il tirait d’une
autre poche une bande de tissu malpropre et demandait à Temüge de s’asseoir. Il
l’enroula autour du ventre du jeune homme, recouvrant à chaque tour une
nouvelle partie du morceau de crin jusqu’à ce qu’il disparaisse totalement. Quand
il eut fait un nœud, il se redressa, certain que le boyau ne s’échapperait pas
de nouveau, gâchant tout son travail.
    — Maintenez ce charme en place pendant une lune, recommanda-t-il
d’une voix lasse, fermant les yeux comme s’il était à bout de forces. Je dois
dormir à présent, toute la nuit et presque toute la journée de demain. Brûlez
la chèvre pour empêcher la grosseur de se répandre. Elle sera morte d’ici
quelques heures.
    Il n’en doutait pas puisqu’il avait saupoudré le morceau de
foie d’assez de poison pour tuer un homme adulte. Aucune chèvre à la bonne
santé suspecte ne gâcherait son exploit.
    — Merci pour ce que tu as fait, dit Hoelun.
    Kökötchu eut un sourire fatigué.
    — Il m’a fallu vingt années d’études pour devenir un
maître, vieille mère. Ne compte pas y parvenir en un soir. Ton fils guérira, maintenant.
    Il réfléchit un instant : il ne connaissait pas cette
femme, mais elle ne manquerait pas de faire part à Gengis de ce qui s’était
passé. Pour s’en assurer, il ajouta :
    — Je dois te demander de ne parler à personne de ce que
tu as vu. Il y a encore des tribus où l’on tue ceux qui exercent l’ancienne
magie, considérée comme trop dangereuse. Peut-être l’est-elle, conclut-il avec
un haussement d’épaules.
    Avec cette recommandation, il pouvait être sûr que l’histoire
ferait le tour du camp avant le lendemain. Il y avait toujours quelqu’un pour
vouloir une incantation contre une maladie, quelqu’un d’autre pour demander un
sort contre un ennemi. On laisserait du lait et de la viande devant sa yourte ;
avec la croyance en ses pouvoirs viendraient le respect et la peur. Il
souhaitait ardemment qu’ils aient peur car, alors, ils lui donneraient tout. Quelle
importance s’il n’avait pas vraiment sauvé une vie cette fois ? On le
croirait quand une autre vie serait entre ses mains. Il avait jeté une pierre
dans la rivière et les rides à la surface iraient en s’élargissant.
     
     
    Gengis et ses généraux étaient seuls dans la grande tente
quand la lune se leva sur l’ost de son peuple. Tous avaient eu une journée bien
remplie, mais les généraux ne pouvaient dormir tant que le khan demeurait
éveillé. Il y aurait des bâillements et des yeux cernés le lendemain. Gengis
semblait aussi frais qu’il l’avait été le matin quand il avait accueilli deux
cents hommes et femmes d’une tribu turque vivant si loin au nord-ouest qu’ils
ne comprirent que quelques mots de ce qu’il leur dit. Pourtant, ils étaient
venus.
    — Chaque jour, il en arrive d’autres alors qu’il reste
deux lunes d’été, déclara-t-il en regardant avec fierté ceux qui
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