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Le sang des Dalton

Le sang des Dalton

Titel: Le sang des Dalton
Autoren: Ron Hansen
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Bill, d’un modèle de Winchester surnommé Yellow Boy, avec lequel Bob avait un jour tué un homme ; des chevaux que nous avions volés, de la taverne mexicaine que nous avions attaquée ou des locomotives d’alors, grandes comme des magasins de chaussures. J’ai parlé assez longtemps pour brûler une bougie de bout en bout et lorsque je me suis arrêté, mon blanc-bec a froncé les sourcils.
    « Vous n’avez pas l’air d’avoir beaucoup de regrets », a-t-il commenté.
    Je l’ai dévisagé.
    « Je veux dire… vous avez abattu tous ces gens…
    — Je n’ai tué personne.
    — D’accord, mais vos frères, oui. Je m’attendais à ce que vous soyez un peu plus repentant.
    — J’ai croupi dans une prison du Kansas de 1893 à 1907. J’ai fait pénitence.
    — Mais vous ne…
    — Dehors.
    — Pardon ?
    — Dehors !»
    Je me suis hissé debout, j’ai tiré avec des doigts tremblants mon pistolet de sa pièce de velours, puis j’ai armé le chien avec les deux pouces.
     
     
    Une fois seul dans la maison, à l’exception de ma femme endormie, je me suis assis au pied du lit, dans le noir, pour fumer une Camel. Je suis passé dans la salle de bains, j’ai allumé et j’ai suspendu mon costume et ma chemise sur des cintres. J’ai examiné mon dos dans la grande glace fixée à la porte, les dix-huit vilaines marques de chevrotines pareilles à des brûlures de cigarettes sur ma peau et la cicatrice à la hanche que m’avait laissée une balle de fusil et qui, par temps pluvieux ou humide, ou quand je restais trop longtemps en chaussures, me gratifiait toujours de douleurs aussi aiguës que des morsures de chat. J’ai décollé un carré de gaze jaunie de mon épaule droite suppurante et, à l’aide de l’embout d’un tube argenté, j’ai étendu de la pommade sur une hideuse éruption rouge consécutive à un tir de fusil qui m’avait fracturé l’os quand j’avais vingt ans et qui, quarante-cinq ans plus tard, n’était toujours pas guérie. J’ai déchiré l’emballage en papier d’une compresse propre et pansé la plaie. J’ai boutonné mon pyjama, enfilé ma robe de chambre et avalé trois comprimés pris dans trois flacons différents avant de descendre la tasse et la soucoupe de mon épouse dans la cuisine, où je les ai laissés dans l’évier à l’intention de la bonne.
    Puis j’ai attendu debout dans le séjour, à côté du projecteur qui rembobinait. J’ai allumé une deuxième cigarette, éteint l’allumette d’un bref aller-retour de la main et, les yeux plissés à cause de la fumée, j’ai contemplé la pellicule qui se déroulait de la bobine réceptrice. Au bout d’une ou deux centaines de mètres, j’ai stoppé l’appareil, changé le sens de défilement et rallumé la lampe de projection afin de revoir Par-delà la loi, le film dont j’étais la vedette, le scénariste et le coproducteur, en association avec John B. Tackett, adapté d’une série de réminiscences publiée dans le magazine Wide World. En 1918, Tackett et moi l’avions projeté dans tout le pays, ce qui nous avait rapporté un bon pactole, bien que ce fut un navet plutôt affreux. J’avais, dans ma jeunesse, soutenu le regard d’hommes dangereux, mais j’étais terrifié face à la caméra de Tackett et je devais être le personnage au regard le plus fuyant de l’histoire du cinéma. Je gesticulais, je dégainais mon pétard de son étui en cuir ciré noir à tout bout de champ, j’étais accoutré comme un cow-boy de rodéo et j’avais quarante-six ans lors du tournage de ce film ; je n’étais plus un gamin comme du temps de mes aventures  – j’étais ridicule. Heureusement, Tackett était un authentique homme de spectacle qui, campé sur la scène d’une salle de cinéma dans une ville inconnue, savait faire revivre la grisante équipée des Dalton, énumérer les trains que nous avions pillés ou évoquer la mort de mes frères, pistolet au poing, avant de conclure par la liste de nos victimes :
    « Charlie Montgomery, pour une histoire de femme. Un guichetier de Wharton. Bill Starmer, après lui avoir volé ses chevaux. Le marshal Ed Short, dans une voiture de chemin de fer. Un médecin innocent, le Dr W. L. Goff. Et par une matinée ensoleillée d’octobre, Lucius Baldwin, Charles Brown, George Cubine et le marshal Connelly  – tous de Coffeyville, Kansas. »
    Puis, en guise de surprise, de clou du spectacle, je le rejoignais sur scène et je fixais,
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