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Le sang de grâce

Le sang de grâce

Titel: Le sang de grâce
Autoren: Andrea H. Japp
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tétanisé comme un lapin qui voit s’ouvrir sur
lui les mâchoires du prédateur. La haute silhouette qui progressait maintenant
sans hâte s’approcha de lui, se dessinant dans le brouillard nocturne. Il vit
nettement les plis de la longue cape sombre s’enrouler autour de ses jambes, il
aperçut l’éclat de l’épée qui battait un mollet recouvert d’une botte de cuir
épais. La tête lui tournait et un sanglot sec l’étouffa. Il se laissa aller
contre le mur d’une maison, incapable de hurler, d’appeler à l’aide.
    La silhouette fut sur lui, se
penchant, le maintenant par les aisselles. La stupéfaction cloua Agnan qui
parvint à murmurer d’une voix faible :
    — Vous… chevalier.
    — Remettez-vous. Que vous
arrive-t-il ?
    — J’ai cru que… J’ai cru à une
exécrable rencontre…
    Un vague sourire lui répondit
d’abord, puis :
    — Vous manquez pourtant d’une
élémentaire prudence à vous aventurer dans ces venelles à la nuit échue.
    — C’est que… C’est que je n’y
ai pas songé.
    — Je vous accompagne. Où vous
rendiez-vous ?
    — En l’église Saint-Aignan,
afin d’y prier à l’office de l’Avent [3] .
    Ils progressèrent en silence. Leone
tergiversait, cherchant comment poser la question qui le hantait depuis des
semaines, depuis des années. Agnan s’interrogeait. Pouvait-il risquer d’en
avoir le cœur net ? Qui était-il pour requérir une certitude de ce
chevalier qui le subjuguait et l’effrayait tout à la fois ? Cependant, son
besoin de savoir l’emporta et il bafouilla avec précipitation, sans oser
tourner la tête vers l’hospitalier :
    — Est-ce… Est-ce vous,
monsieur, qui avez…
    — Abattu, ou plutôt exécuté
Florin ? Je le confesse et vous en demande donc le secret. Il n’existait
nulle autre alternative. Il ne m’a pas laissé le choix et, pour être franc,
sans doute le souhaitais-je.
    — Je serai à jamais votre
obligé pour ce… geste dont je pressens qu’il vous a coûté. La disparition de
cet être maléfique nous offre un petit éclat supplémentaire de lumière. Cette
dernière ne dispose point tant de place en ce monde que l’on puisse regretter
le décès de Florin.
    — Son meurtre, rectifia Léone.
Vous êtes généreux de lui attribuer le terme de « décès », vague et
naturel. Cependant, il s’agissait bien d’un assassinat, Agnan. Je l’ai
poignardé alors que je le savais sans défense. Il serait indigne de ma part
d’en refuser la responsabilité.
    — On n’assassine pas une
vermine. On l’élimine, affirma le clerc d’un ton péremptoire.
    — Avec toute l’amitié que je
vous porte, il ne vous appartient pas d’en juger. Dieu seul le peut et
j’accepte, d’ores et déjà, Sa sentence. (Leone soupira et reprit :)
Qu’était Florin ? Une erreur de la nature ou l’une de ces épreuves dont
nos chemins sont semés afin que nous n’oubliions jamais que nous oscillons
entre grandeur et intolérable déchéance ? Je vous avoue que si la survie
de madame de Souarcy n’avait été en jeu, je ne suis pas certain que j’aurais
souillé mes mains du sang de l’inquisiteur.
    Agnan le dévisagea pour la première
fois depuis leur étrange rencontre dans la ruelle et crispa la bouche de
consternation :
    — Oh… Vous avez raison. Mon
esprit s’égare depuis quelques jours dans une telle confusion que… (Négligeant
toute prudence, il lança :) Qui est au juste madame de Souarcy ? Le
savez-vous, chevalier ? J’ai eu… j’ai été submergé par la conviction que
se produisait un phénomène hors de notre monde.
    — Oh, que nenni ! Sauf à
m’abuser gravement, il est infiniment de notre monde…
    Faisant taire toute méfiance, toute
réserve, Leone jeta alors d’une voix que l’émotion altérait au point de la
rendre méconnaissable :
    — Avez-vous vu son sang ?
    Agnan se figea et s’enquit, en
pleine incompréhension :
    — Pardon, chevalier ?
    — Avez-vous… aperçu le sang de
madame de Souarcy ?
    Cet homme, ce sauveur, ce guerrier,
ne pouvait rechercher quelques détails macabres dans le seul but de les
savourer. Aussi Agnan répondit-il d’une voix que les sanglots gagnaient :
    — Ah monsieur. Certes, je le
vis et j’aurais préféré que le mien se vidât de dedans moi-même plutôt que de
soigner sa pauvre chair malmenée. Florin avait… Il avait versé du sel sur ses
plaies afin d’augmenter sa souffrance et d’empêcher sa guérison. Ce
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