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Le sang de grâce

Le sang de grâce

Titel: Le sang de grâce
Autoren: Andrea H. Japp
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démon
ignorait que je connaissais la nature de la poudre grise qu’il dissimulait dans
cette fiole orfévrée. J’ai rincé en abondance les meurtrissures provoquées par
les lanières du fouet. J’ai enduit sa peau lacérée d’un onguent, puis le frère
infirmier m’a relayé.
    — Mais avez-vous vu son
sang ? insista Leone qui maîtrisait à grand-peine sa nervosité.
    — Il coulait de son dos,
maculait ses flancs et rougissait ses cheveux. Il m’a recouvert les mains,
chevalier, et je les ai baisées.
    — Comment… (L’émotion
étreignait la gorge de l’hospitalier qui acheva sa question au prix d’un
colossal effort :) Comment était-il ?
    — Votre pardon ?
    — Je veux dire… Avait-il
l’apparence du sang, de celui d’autres condamnés ou victimes ? N’avez-vous
pas été déconcerté par quelques particularités ?
    Agnan cherchait, en vain, la
signification de l’insistance de son escorte. Il bredouilla :
    — Je me perds un peu… il était
rouge vif, vital… Il m’a chaviré le cœur et lorsque je l’ai vu se mêler à l’eau
de la bassine, la colorer d’une somptueuse écarlate… vous avouerai-je que j’ai
eu soudain grand froid. Est-ce bien là ce que vous souhaitiez apprendre ?
    — En effet, concéda Leone,
dissimulant avec maladresse sa soudaine panique.
    Lorsqu’ils parvinrent devant le
porche de l’église Saint-Aignan, lorsqu’il abandonna Agnan pour rebrousser
chemin, un chagrin difficile à nommer l’oppressait.
     

Abbaye de femmes des Clairets*,
Perche, décembre 1304
    Le début d’incendie, vite maîtrisé,
qui avait tant affolé les moniales quelques jours plus tôt, avait à peine
noirci les murs du dortoir de l’hostellerie. L’abbesse, Eleusie de Beaufort,
escortée d’Annelette Beaupré, sœur apothicaire, acheva sa nouvelle inspection
en silence. Thibaude de Gartempe, la sœur hôtelière, se lamentait, répétant
d’un ton chevrotant :
    — Je vous conjure de me croire,
ma mère. Nulle négligence de ma part n’est à l’origine de ce sinistre. Je ne
comprends pas comment le feu a pu prendre, au beau milieu de la pièce, loin de
l’âtre, en consumant une paillasse…
    Annelette jeta un long regard à
l’abbesse qui hocha la tête avec discrétion avant de rassurer sa fille d’un
diagnostic dont l’illogisme parut pourtant la convaincre :
    — Ma chère Thibaude, les
incendies sont parfois bien capricieux… Une étincelle a pu se faufiler et
atterrir sur le matelas de paille qui aura commencé de flamber. Enfin, il y a
eu plus de fumée que de flammes, plus de peur que de mal et c’est l’essentiel.
    Les deux femmes abandonnèrent peu
après l’hôtelière qui s’activait, en compagnie de quelques servantes laïques, à
remettre de l’ordre et à effacer les traces de ce qui n’avait été que manœuvre
de diversion.
    Elles rejoignirent le bureau de
l’abbesse sans échanger une parole. Annelette sentit qu’Éleusie de Beaufort
mettait à profit ce silence pour peser le pour et le contre, se décider aux
ultimes confidences. Leur mère dissimulait un secret pesant, l’apothicaire le
soupçonnait depuis longtemps, bien qu’ignorant sa nature. Elle suivit l’abbesse
dans le bureau glacial et patienta, debout, mains croisées sur le devant de sa
robe.
    Éleusie contourna la lourde table de
chêne et se laissa choir dans son fauteuil. Elle ferma les yeux un bref instant
et soupira avant de murmurer :
    — Je suis grandement fautive. À
trop douter, je me suis affaiblie. J’ai moi-même creusé la faille qui a permis
à cette méfaisante de…
    Elle se redressa soudain et abattit
avec violence la main sur le bureau, sifflant entre ses dents :
    — Je n’ai pas dit mon dernier
mot !
    Annelette demeura silencieuse,
attendant la suite.
    — Vous aviez raison, Annelette.
Cet incendie, bien modeste, n’était qu’une tentative afin de nous attirer à
l’autre bout des bâtiments et d’avoir le champ libre ici. Vous aviez également
raison de me recommander la confiance, ce jour où vous vous révélâtes à moi… il
y a une éternité me semble-t-il. J’ai tardé à vous l’accorder sans réserve, et
je m’en mords aujourd’hui les doigts. Je vous ai menti par crainte, ce qui
n’allège en rien ma bévue, pis, mon erreur de jugement.
    Annelette baissa la tête, sans mot
dire, redoutant presque de connaître enfin la vérité.
    — Je découvris à mon arrivée
aux Clairets… quelque chose dont je crus
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