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Le sang de grâce

Le sang de grâce

Titel: Le sang de grâce
Autoren: Andrea H. Japp
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parfait
italien :
    — De grâce, tais-toi. Tu vas me
gâter l’envie.
    Elle tira deux belles pièces de son
réticule et ajouta :
    — C’est comme je commande. Rien
de plus, rien de moins.
    Dessaoulé, le jeune homme empocha
l’argent et hocha la tête en signe d’acquiescement.
    Lorsque Aude se releva dans la
chambrette du lupanar déguisé en taverne, elle était fourbue. Elle sentit
l’odeur de l’homme sur sa peau, pour l’instant encore troublante. Dans quelques
minutes, elle ne la tolérerait plus. Un bain aux fleurs de mauve et de lavande
l’en débarrasserait. Il s’étira dans son sommeil et elle le détailla pour la
première fois. Il était vraiment beau, si brun, si mat. Une toison en pointe
lui descendait de la base du cou jusqu’au pubis. Il avait été puissant, sans
subtilité, ainsi qu’elle l’espérait. Aude admettait que son goût prononcé pour
les brutes viriles naissait de la griserie qu’elle éprouvait de les réduire à
l’obéissance. Au fond, sans doute son plaisir était-il à ce prix. La belle
affaire ! Qui se souciait de ces lourdauds sans esprit, sans charme, qui
mouraient tous les jours comme des mouches ?
    Une voix lourde la fit presque
sursauter :
    — C’était… y’a pas, les dames,
c’est foutrement mieux que les gueuses et les catins… d’autant que tu pourrais
leur en remontrer. Aux catins, j’veux dire.
    L’odeur devint insupportable. Elle
se rhabilla et lui ordonna d’un signe de main de lacer sa robe. Il se leva, tenta
de lui lécher la nuque, plaquant son sexe durci contre ses reins. Elle se
retourna et l’épingla d’un regard sans aménité. Il bougonna :
    — Bon… (Un rire gamin remplaça
aussitôt sa bouderie :) Si j’avais su… quand j’t’ai vue pénétrer dans
l’enceinte du palais pontifical… Ouais, c’est incroyable, non ? J’me
trouvais là. J’t’ai vue. C’est pas si commun que ça qu’une dame leur rende
visite. À ce qu’on raconte, c’est parfois des puterelles déguisées en femmes de
bien, mais le plus souvent c’est des espionnes. T’es espionne ? Tu
pourrais, t’as ce qu’y faut.
    — Dommage, murmura Aude, cette
fois en français, avant de lui offrir un sourire coquin.
    — Ah, j’savais bien que t’en
avais encore envie. C’est pas tous les jours qu’on tombe sur un étalon de ma
sorte !
    Il l’attira sans douceur, se collant
à elle. Elle le poussa vers la paillasse.
    Les yeux du jeune homme
s’agrandirent. Il ouvrit la bouche pour crier, protester peut-être. Un flot
rouge lui teinta les dents avant de dévaler jusqu’à son menton. Aude enfonça
plus avant la dague d’un coup sec. Il s’affaissa, ventre contre plancher. Elle
se pencha pour extirper la lame fichée dans son dos et se recula vivement, pas
assez toutefois. Une giclée de sang endeuilla sa robe. Elle soupira de
soulagement. Le sort était de son côté : écarlate sur carmin passerait
inaperçu. Elle patienta quelques instants, une moue d’écœurement aux lèvres,
attendant que cessent les soubresauts qui tendaient par à-coups l’agonisant.
Doux Jésus, elle détestait être témoin de la mort, même lorsqu’elle
l’infligeait.
     

Alençon, Perche, décembre 1304
    La nuit était tombée lorsque Agnan,
secrétaire de feu Nicolas Florin, sortit de la maison de l’Inquisition. Deux
semaines venaient de s’écouler depuis le décès du seigneur inquisiteur,
prétendument tombé sous les coups de dague d’un ivrogne ramassé au hasard d’une
rencontre. Le jeune homme malingre était prêt à jurer qu’il s’agissait là des
plus belles semaines de son existence. Il était également prêt à affirmer sur
sa vie qu’il avait entraperçu, durant un éphémère mais ineffable instant,
l’intervention d’un miracle. Selon Agnan, la riposte avait été implacable et si
parfaitement juste que son essence ne pouvait être que divine. Certes, il
n’était pas superstitieux ou sot au point de croire qu’un ange avait frappé de
sa lame le bel et ignoble tortionnaire. Au contraire, Agnan s’était peu à peu
persuadé que ce chevalier de justice et de grâce, ce Francesco de Leone, avait
été le bras armé venu défendre les agneaux de Dieu. Car il faut des fauves pour
protéger les agneaux d’autres fauves. Comment expliquer sans cela que
l’hospitalier soit intervenu alors que commençaient les tourments infligés à
cette femme qui avait ébloui le jeune clerc ?
    Une sorte d’euphorie lui fit
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