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Le sang de grâce

Le sang de grâce

Titel: Le sang de grâce
Autoren: Andrea H. Japp
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émeraude, à la petite bouche rieuse, à l’implacable
intelligence lui demeurerait à jamais un mystère. N’éprouvait-elle
véritablement aucun désir de résipiscence ou dissimulait-elle la plaie
rongeante du remords derrière son panache ? Benedetti supportait cette
meurtrissure depuis si longtemps qu’il avait l’impression de n’avoir jamais
connu plus fidèle, plus malveillante compagne. Elle s’éveillait à la nuit et le
tourmentait sans répit. Elle suintait en dedans de lui-même, lui ravageant
l’âme jusqu’au matin.
    Ils dégustèrent quelques gorgées en
silence puis Honorius Benedetti avoua :
    — Vous aviez raison, ma chère.
Madame de Souarcy est libre, lavée de tous soupçons.
    — Vos sbires ont donc échoué.
    — L’un a payé son échec de sa
vie. Un seigneur inquisiteur.
    — C’est au moins cela de gagné,
d’autant que j’éprouve peu d’attirance pour ces gens-là, commenta Aude d’un ton
léger.
    — Ils nous sont utiles.
    — Comme tous les exécuteurs des
basses œuvres, encore faut-il les choisir avec soin. Or donc, la petite
nobliaude bâtarde a damé le pion au tentacule le plus puissant de
l’Église ? Fichtre, voilà ce que j’appelle un cuisant camouflet.
    — S’il n’y avait là que
blessure d’orgueil, je m’en accommoderais. Malheureusement, j’y vois le travail
de sape de mes ennemis, la preuve de leur puissance ressuscitée. J’y lis aussi
la démonstration de l’importance extrême de madame de Souarcy à leurs yeux.
Elle doit mourir, vite… Cette femme doit mourir… Quant à ce petit galopin qui
la suit comme son ombre et dont mes espions m’ont récemment relaté l’attachement
farouche à sa dame, qu’il l’accompagne. (Il ferma les yeux et ajouta dans un
murmure :) Dieu les bénisse et les accueille.
    — Elle… ils vont mourir. Je
m’en charge.
    Aude de Neyrat marqua une pause,
savourant sans hâte le fond de son verre. Elle accepta, pour une fois, l’afflux
de ses pires souvenirs.
    Orpheline très jeune, Aude avait été
confiée à la garde d’un oncle. Le vieux scélérat s’était appliqué à confondre
devoir de parentèle et cuissage. Peu de temps, il est vrai, puisque l’ordure
édentée avait trépassé à l’issue d’une agonie que sa protégée avait souhaitée
interminable et fort pénible. Elle l’avait veillé avec dévotion et tendresse,
essuyant d’un linge humide son visage en sueur. Humide et imprégné de poison. À
douze ans, Aude avait découvert que ses talents pour les poisons, la fourberie
et l’assassinat n’avaient d’égal que sa beauté et son intelligence. Elle devait
remettre bien vite à profit ses précieuses dispositions et récupérer ainsi deux
héritages substantiels, dont celui d’un vieux mari. Elle avait eu le tort
d’épargner le très jeune neveu dudit mari. Mais le garçonnet était si charmant
et distrayant qu’Aude n’avait pas eu le cœur de le pousser vers la tombe. Grave
bévue qui avait failli lui être fatale. Le mignon héritier collatéral s’était
révélé d’une cupidité digne de celle de sa jeune tante d’alliance. Il avait
alerté les hommes du grand bailli d’Auxerre, relatant le malheur qui semblait
s’abattre sur tous les familiers de madame de Neyrat, réclamant son héritage.
Aude avait été arrêtée. Une multitude de vilains rats était aussitôt sortie de
terre pour la charger d’accusations et de péchés qui allaient de
l’empoisonnement à la fornication avec des démons. Honorius Benedetti, alors
simple évêque, était de passage en ville au moment du procès. La beauté de
madame de Neyrat l’avait bouleversé. Il s’était débrouillé pour participer aux
interrogatoires.
    Aude avait conservé un souvenir
d’une précision maniaque de leur première rencontre, dans cette salle voûtée du
château d’Auxerre. En dépit de la fraîcheur des épais murs de pierre, Benedetti
transpirait et s’éventait avec un ravissant éventail fait de lames translucides
de nacre, un ancien cadeau d’une dame de Jumièges, avait-il précisé dans un
sourire complice. Le prélat qui se tenait devant elle était fluet, et de petite
taille. Il avait d’élégantes mains fines et soignées, des mains de femme. Il
lui avait recommandé d’avouer, de confesser ses fautes. Pourtant, quelque chose
dans son attitude avait conseillé le contraire à la très jeune femme. Aude
n’avait rien avoué, semant ses juges dans un labyrinthe de
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