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Le sac du palais d'ete

Le sac du palais d'ete

Titel: Le sac du palais d'ete
Autoren: Jose Frèches
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l’inextricable fouillis des ruelles entrelacées d’où les mendiants étaient impitoyablement chassés par des policiers en uniforme. D’un style pompeux et surchargé, que soulignait la taille hors normes des dragons et des chimères posés sur la terminaison des arêtes de leurs toits de tuiles vernissées, les bâtiments ministériels témoignaient de la volonté de la dynastie précédente d’imposer au peuple le respect pour l’institution mandarinale.
    Depuis l’avènement des Mandchous, la corruption sévissait dans ces lieux de pouvoir où les agents publics monnayaient des prébendes et des exemptions fiscales à leur seul profit alors même qu’ils étaient censés représenter l’intérêt général. Un gigantesque système de captation des flux d’impôts et de taxes empêchait l’État de disposer des ressources nécessaires à son fonctionnement. Faute d’avoir pu organiser, comme sous la dynastie précédente, la paysannerie par « familles », en réalité des sortes de phalanstères d’où il était impossible de s’échapper, le pouvoir mandchou en était réduit à envoyer au fin fond des campagnes une armée de percepteurs et de contrôleurs plus ou moins fiables pour pressurer des gens déjà très pauvres. Pour éviter de se faire lyncher, ces fonctionnaires étaient toujours escortés par des soldats en armes.
    Lorsque Antoine aperçut, noyés dans un océan de verdure, les colonnes et le fronton à la blancheur immaculée du consulat britannique, d’un seul coup, la cavalcade des battements de son cœur reprit.
    —  Bonjour, je viens pour faire tamponner un formulaire de dédouanement, expliqua le Français, la gorge un peu nouée et dans son meilleur anglais, au factotum de service, un petit homme chauve aux rouflaquettes et aux fines bésicles qui lisait Ivanhoé derrière le comptoir du hall d’entrée.
    Était-ce son accent, qui n’était pas forcément des plus parfaits, ou sa demande elle-même, qui avait paru saugrenu à l’agent consulaire, ou encore parce que ce dernier avait été dérangé dans sa lecture   ? L’intéressé dévisagea Antoine avec méfiance.
    —  Qui êtes-vous   ? lâcha-t-il en ôtant ses lunettes.
    —  Euh ! Je m’appelle Martin Davies… originaire du Yorkshire… bredouilla le Français qui enrageait devant sa piètre façon de donner le change.
    —  Pourrais-je avoir votre passeport   ?
    Il manqua de défaillir. Les choses se présentaient bien plus mal qu’à la douane chinoise. Il s’en voulait terriblement de ne pas s’être douté qu’en l’absence de passeport, c’était râpé. En désespoir de cause, il décida de jouer le tout pour le tout.
    —  Je n’ai plus de passeport. On me l’a volé. Euh !… un pickpocket. Je marchais sur les quais lorsque je fus bousculé… Avant-hier… oui, avant-hier ! Quand je me relevai, mes poches étaient vides… Les pickpockets, ça pullule à Canton…
    —  Dans ce cas, il vous suffira d’établir une demande de passeport accompagnée d’une déclaration sur l’honneur attestant que vous avez été volé.
    —  Auprès de vous   ?
    —  Non ! Il faut vous adresser au premier étage. Les passeports sont établis par monsieur le consul en personne. Son secrétaire vous indiquera la procédure à suivre, monsieur Davies, expliqua la tête à claques en désignant du bout du nez le grand escalier de pierre avant de replonger le nez dans Walter Scott.
    Antoine était aux cent coups. Il s’était réjoui trop tôt lorsqu’il s’était imaginé, au sortir de la douane, que le plus dur était fait. Il se retourna et expliqua rapidement à ses deux accompagnateurs de quoi il retournait avant de constater, à leur moue dubitative, qu’ils ne croyaient pas un mot de ses explications.
    Accablé, il s’apprêtait à monter au premier étage comme un condamné à mort sur l’échafaud, lorsqu’une déflagration se produisit. Une seconde après, une boule de feu atterrit à ses pieds. Un réflexe le fit reculer de quelques pas. Deux, trois, puis quatre autres projectiles enflammés s’abattirent dans le hall, dégageant un épais nuage de fumée au goût âcre. Ahuri, le préposé consulaire, dont le livre était brusquement tombé des mains, se mit à tousser en même temps que plusieurs flèches enflammées se fichaient en vibrant sur le comptoir. Antoine se jeta derrière une armoire. Des coups de fusil retentirent, sur fond de brouhaha, où les vociférations se
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