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Le prix du secret

Le prix du secret

Titel: Le prix du secret
Autoren: Fiona Buckley
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traits burinés, n’était pas du genre à refuser une transaction. Sa cale, pleine à craquer, renfermait une cargaison de bon drap en laine et, par malheur, de fromages bien faits. Sous le pont, ils empestaient.
    — Je déplore le manque de confort, me lança messire Blanchard de sa voix grave, à l’entrée de ma cabine.
    Il passa la tête à l’intérieur et renifla d’un air dégoûté avant d’ajouter :
    — Vous avez le pied marin, je crois.
    — Plutôt. J’ai traversé deux fois la mer du Nord, mais aucun des navires n’avait une atmosphère aussi… tonifiante que celui-ci.
    — Je me suis plaint en pure perte. Le capitaine Ross n’a pas un caractère commode.
    J’avais entendu l’altercation. Blanchard avait tenté d’en imposer et le capitaine ne s’était pas laissé impressionner. Ce n’était pas surprenant. On ne pouvait guère s’attendre à ce qu’il abandonne la moitié de ses marchandises au port.
    — Prions afin d’avoir beau temps, poursuivit Blanchard, et de ne pas subir une mer démontée en plus de cette puanteur. Si j’avais eu le choix, je n’aurais pas voyagé en mars.
    Je connaissais Luke Blanchard depuis toujours, car il n’habitait qu’à quatre lieues de Faldene et les deux familles étaient très liées. Enfant, je craignais un peu ce grand homme au visage froid et à la voix caverneuse. Plus tard, quand il avait coupé les ponts avec Gerald, puis rejeté sa propre petite-fille, l’aversion s’était ajoutée à la peur. À présent, je devinais sous cette apparence une certaine pusillanimité. Cecil l’avait perçue, sans l’ombre d’un doute. Rien n’échappait à ses yeux bleu clair, séparés par un pli permanent d’inquiétude. Non sans finesse, il avait laissé Blanchard décider de l’itinéraire. Pressé d’emprunter un chemin qu’il jugeait dangereux, mon beau-père aurait peut-être défié la reine, abandonné sa pupille et refusé de partir ou – plus vraisemblablement – feint quelque maladie l’en empêchant.
    — Ce navire semble en bon état, dis-je d’un ton rassurant.
    Au moins, nous aurions des lits. L’équipage et presque tous nos hommes devraient se contenter de hamacs, mais chacune des cabines renfermait deux couchettes confortables. Je partagerais la mienne avec Dale, et Blanchard avec son valet personnel, Harvey. Le capitaine Ross réservait la plus grande à son propre usage. La dernière, qui était aussi la plus exiguë, restait vide pour l’instant mais, si tout se passait bien, elle serait occupée par Hélène au retour. Le Pinson nous attendrait à Nantes pendant trois semaines, après quoi, sans nouvelles de notre part, il repartirait.
    Il y avait un petit salon, et, sur le pont, une cuisine inconfortable pourvue d’une cheminée en brique. En nous accueillant, le capitaine Ross, peu réjoui d’avoir des femmes à son bord, nous avait averties que la nourriture serait loin d’être raffinée. Mais la traversée ne serait pas longue, avait-il ajouté. Un vent vif soufflait dans la bonne direction. En cas de grain, on devrait se contenter de repas froids. Dale et moi l’assurâmes que nous comprenions.
    Je humai l’air, comme Blanchard, et doutai d’avoir grand appétit.
    Je n’en eus pas du tout. Le voyage fut effroyable. En général, les migraines auxquelles j’étais sujette étaient provoquées par l’inquiétude ou par le doute, et je suppose que j’en aurais souffert de toute façon alors que le navire s’éloignait de l’Angleterre. J’avais dit au revoir à ma fille dans son foyer d’accueil, près d’Hampton, deux jours avant la visite à la Tour, et elle avait pleuré au moment de nous séparer. J’avais tâché de la consoler, affirmant que je ne serais pas partie longtemps – puisque souvent je ne pouvais venir la voir durant des semaines, j’assurai que cette fois-ci ne paraîtrait pas différente. Mais à mesure que la mer grandissait entre nous, je me rendis compte qu’il n’en était rien. Pendant le mois à venir, nous allions vivre très loin l’une de l’autre. Cela comptait, et j’avais de la peine. Le gros temps qui s’installa une heure plus tard me convainquit que nous courions au désastre. Je restai allongée trois jours sur ma couchette, les mains pressées sur mes tempes ou sur la bassine, aspirant à mourir.
    Curieusement, Dale ne souffrit pas du mal de mer. Elle était terrifiée par les murs d’eau verte qui passaient devant notre hublot,
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