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Le prix du secret

Le prix du secret

Titel: Le prix du secret
Autoren: Fiona Buckley
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soleil plutôt que pour le laisser entrer. Mais non, ce devait être en hiver ; il faisait peut-être froid. Si l’une de ces fenêtres donnait sur le Bosphore, le reflet de l’eau devait être gris acier. Je n’ai jamais vu ce détroit, mais le précepteur de mes cousins gardait de ses nombreux voyages la connaissance de la géographie. Il avait visité Istanbul et nous l’avait décrite.
    Je me représente, aussi, les hommes assis à cette table : le teint mat, les yeux sombres au regard vif ou insondable, mais toujours pénétrant. Les uns portent des robes, d’autres des tuniques ou des pourpoints ; la plupart arborent des anneaux à leurs doigts, des broches en pierreries sur leur chapeau ou leur turban. Je les entends : graves, courtois, solennels, parlant… quelle langue ? Le grec, selon toute vraisemblance. D’après le précepteur, c’était une langue répandue dans la région.
    Venise, Istanbul – des cultures dissemblables, mais fondées sur l’activité de ports méditerranéens dont le trafic les liait depuis des siècles. Les représentants des deux cités avaient beaucoup en commun, en dépit de leurs fois différentes. Tous étaient des commerçants. Ils formaient une association de marchands, œuvrant ensemble à tirer le meilleur profit possible des biens qui transitaient de l’orient à l’occident. Ils se flattaient d’être sérieux en affaires et dotés de sens pratique. Je ne doute pas qu’ils étaient, en général, de bons époux et des pères responsables, respectueux de leurs parents et aimés de leur famille.
    Je gage que si vous trébuchiez dans la rue et tombiez devant eux, ils vous aidaient à vous relever, demandaient avec sollicitude si vous vous étiez fait mal, et ordonnaient même à leur domestique de vous raccompagner chez vous.
    Si vous menaciez leurs intérêts, ils vous tuaient.
    La fantaisie n’était pas leur trait marquant, néanmoins je crois que, dans une certaine mesure, ils avaient autant qu’Anthony Jenkinson l’idée qu’un marchand se double d’un aventurier, car leur nom ne manquait pas d’imagination.
    Traduit dans notre langue, le titre qu’ils se donnaient était « les Lions levantins ».

CHAPITRE III

Une aversion pour le fromage
     
    La mission qui m’était confiée avait changé mes sentiments quant au voyage et, le lendemain matin, alors que nous nous apprêtions à partir, mon moral était au plus bas.
    Ce jour-là, la reine recevrait l’ambassadeur d’Espagne, que la barge officielle, dotée d’un auvent de satin rouge et d’une cabine confortable, irait chercher à sa résidence de Whitehall. L’audience se déroulerait en présence des dames d’honneur et des courtisans et, plus tard, tous se rendraient à un tournoi. J’aurais bien aimé en être, moi aussi.
    D’autres regrets me tourmentaient. Dale et Brockley étaient venus de bonne heure, elle pour me vêtir et lui pour emporter les malles. Tous deux avaient les yeux battus, signes d’une nuit de passion conjugale. Cela m’indisposa. J’étais mariée, moi aussi, mais ce privilège m’était désormais refusé. Le temps de me préparer, j’avais réussi à lancer deux remarques acerbes à la pauvre Dale, par pure jalousie.
    Juste avant de descendre, je dissimulai sur moi les lettres de la reine. Selon mon habitude, je portais une cotte sous une jupe ouverte qui, comme toutes mes toilettes, était pourvue d’une vaste poche intérieure où je conservais une bourse, une petite dague dans son fourreau et une série de crochets. Hormis en présence de la reine, je me séparais rarement des instruments de ma profession, comme je les appelais. Les deux missives signées d’Élisabeth les rejoignirent donc dans leur cachette.
    Luke Blanchard connaissait l’existence de ces lettres. Mais je me demandai ce qu’eût été sa réaction s’il avait su quels objets elles côtoyaient. Cette pensée me divertit un peu en ce froid et triste matin.
     
    Mon ancien beau-père n’était pas dans la gêne. Non content de payer le prix de notre passage, il avait affrété tout le bateau afin de dicter l’itinéraire. Le Pinson n’était pas de ces grands navires marchands, mais un bâtiment effilé d’environ quatre-vingt-dix pieds de long, peint d’un vert brillant et destiné aussi bien au transport de personnes que de marchandises. L’intérieur contrastait avec cette belle apparence. Les cabines étaient minuscules et messire Simon Ross, le jovial capitaine aux
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