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Le prix de l'hérésie

Le prix de l'hérésie

Titel: Le prix de l'hérésie
Autoren: S.J. Parris
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contrefort et, si je parvenais à traverser le
jardin sans être vu, je n’aurais plus qu’à escalader le mur d’enceinte du
monastère et disparaître dans les rues de Naples à la faveur de l’obscurité.
    Je cachai la dague dans mon habit, jetai le sac par-dessus
mon épaule et grimpai sur le rebord. Une fois assis à califourchon, je
m’arrêtai un instant pour regarder dehors. La lune gibbeuse flottait au-dessus
de la ville, pâle et renflée, des traînées nuageuses dérivaient devant elle. Le
silence régnait sur toutes choses. L’espace d’un instant, je sentis que
j’arrivais à la croisée des chemins. J’étais moine depuis treize ans, mais
quand je passerais ma jambe gauche de l’autre côté de la fenêtre et que je me laisserais
choir sur le toit en contrebas, je tournerais pour de bon le dos à cette vie.
Paolo avait raison, je serais excommunié pour avoir quitté mon ordre, quelles
que soient les autres accusations dont on m’accablerait. Il leva les yeux vers
moi, le visage empreint d’une tristesse muette, et tendit la main. Au moment où
je me penchais pour la lui baiser, j’entendis des foulées énergiques dans le
couloir.
    «  Dio sia con te  », me souffla Paolo.
    Je me laissai glisser tout en me retournant, ne tenant
bientôt plus que par le bout des doigts, et mon habit sembla sur le point de se
déchirer. Alors, m’en remettant à Dieu et au destin, je lâchai prise. Lorsque
j’atterris sur le toit, les vantaux de la fenêtre se fermèrent au-dessus de
moi. Je ne pouvais qu’espérer que Paolo avait été assez prompt.
    Le clair de lune était à la fois un bien et un mal. Je
traversai le jardin derrière les quartiers des moines en me collant aux murs
pour ne pas être vu. Puis, m’aidant de vignes sauvages, je parvins à me hisser
sur le mur d’enceinte du monastère avant de sauter à terre et de dégringoler un
petit talus jusqu’à la route.
    Je me renfonçai aussitôt dans l’embrasure d’une porte en
confiant mon sort à l’obscurité, car un cavalier remontait sur un cheval noir
au grand galop la rue étroite en direction du monastère, sa cape ondulant
derrière lui. Je relevai la tête, le sang battant à mes tempes, et reconnus le
bord rond du chapeau qui disparaissait en haut de la colline vers la porte
principale ; je venais d’échapper à l’inquisiteur local, convoqué en mon
honneur.
    Lorsque je fus incapable de faire un pas de plus, je dormis
dans un fossé à la sortie de Naples, avec la cape de Paolo pour seule
protection contre la nuit glaciale. Le deuxième jour, je gagnai un lit pour la
nuit et un demi-pain en travaillant dans les écuries d’une auberge, au bord de
la route. Ce soir-là, un homme m’attaqua pendant mon sommeil et je me réveillai
avec des côtes fêlées, le nez en sang et plus le moindre quignon de pain. Mais,
au moins, il s’était servi de ses poings plutôt que d’un couteau, comme je
compris vite que c’était l’habitude parmi les vagabonds et les rôdeurs qui
fréquentaient auberges et tavernes sur la route de Rome. Le troisième jour, je
commençai à faire preuve de vigilance, et j’avais fait plus de la moitié du
chemin qui devait me conduire jusqu’à Rome. La routine familière de la vie
monastique qui avait si longtemps gouverné ma vie me manquait déjà, mais la
sensation nouvelle de liberté me transportait de joie. Je ne servais plus rien
ni personne, excepté ma propre imagination. À Rome, je me jetterais peut-être
dans la gueule du loup, mais je savourais ce défi audacieux à la Providence.
Soit je reprendrais une vie d’homme libre, soit l’Inquisition me retrouverait
et je serais la proie des flammes. J’allais faire tout ce qui était en mon
pouvoir pour éviter cette issue : je n’avais pas peur de mourir pour mes
convictions, mais pas avant d’avoir déterminé lesquelles méritaient que je les
défende au prix de ma vie.

 
PREMIÈRE PARTIE

Londres, mai 1583

 
CHAPITRE PREMIER
    Je traversai le pont de Londres le matin du 20 mai 1583
sur un cheval emprunté à l’ambassadeur français attaché à la cour de la reine
Elisabeth d’Angleterre. Bien qu’il ne fût pas encore midi, le soleil cognait
déjà. La lumière faisait scintiller la surface ridée de la large Tamise et une
brise chaude écartait les cheveux de mon visage, emportant avec elle la
puanteur d’égout du fleuve. Mon cœur se gonfla d’excitation tandis que
j’atteignais la rive sud et longeais le fleuve
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