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Le Prince

Le Prince

Titel: Le Prince
Autoren: Nicolas Machiavel
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naturelles,
conduisant lui-même en personne l'expédition ; et, par cette
hardiesse, il tint les Vénitiens et l'Espagne en respect, de telle
manière que personne ne bougea : les Vénitiens, parce qu'ils
craignaient, et l'Espagne, parce qu'elle désirait recouvrer le
royaume de Naples en entier. D'ailleurs, il entraîna le roi de
France à son aide ; car ce monarque, voyant que le pape
s'était mis en marche, et souhaitant gagner son amitié, dont il
avait besoin pour abaisser les Vénitiens, jugea qu'il ne pouvait
lui refuser le secours de ses troupes sans lui faire une offense
manifeste. Jules obtint donc, par son impétuosité, ce qu'un autre
n'aurait pas obtenu avec toute la prudence humaine ; car s'il
avait attendu, pour partir de Rome, comme tout autre pape aurait
fait, que tout eût été convenu, arrêté, préparé, certainement il
n'aurait pas réussi. Le roi de France, en effet, aurait trouvé
mille moyens de s'excuser auprès de lui, et les autres puissances
en auraient eu tout autant de l'effrayer.
    Je ne parlerai point ici des autres opérations
de ce pontife, qui, toutes conduites de la même manière, eurent
pareillement un heureux succès. Du reste, la brièveté de sa vie ne
lui a pas permis de connaître les revers qu'il eût probablement
essuyés s'il était survenu dans un temps où il eût fallu se
conduire avec circonspection ; car il n'aurait jamais pu se
départir du système de violence auquel ne le portait que trop son
caractère.
    Je conclus donc que, la fortune changeant, et
les hommes s'obstinant dans la même manière d'agir, ils sont
heureux tant que cette manière se trouve d'accord avec la
fortune ; mais qu'aussitôt que cet accord cesse, ils
deviennent malheureux.
    Je pense, au surplus, qu'il vaut mieux être
impétueux que circonspect ; car la fortune est femme :
pour la tenir soumise, il faut la traiter avec rudesse ; elle
cède plutôt aux hommes qui usent de violence qu'à ceux qui agissent
froidement : aussi est-elle toujours amie des jeunes gens, qui
sont moins réservés, plus emportés, et qui commandent avec plus
d'audace.

Chapitre 26 Exhortation à délivrer l'Italie des barbares
    En réfléchissant sur tout ce que j'ai exposé
ci-dessus, et en examinant en moi-même si aujourd'hui les temps
seraient tels en Italie, qu'un prince nouveau pût s'y rendre
illustre, et si un homme prudent et courageux trouverait l'occasion
et le moyen de donner à ce pays une nouvelle forme, telle qu'il en
résultât de la gloire pour lui et de l'utilité pour la généralité
des habitants, il me semble que tant de circonstances concourent en
faveur d'un pareil dessein, que je ne sais s'il y eut jamais un
temps plus propice que celui-ci pour ces grands changements.
    Et si, comme je l'ai dit, il fallait que le
peuple d'Israël fût esclave des Égyptiens, pour connaître la vertu
de Moïse ; si la grandeur d'âme de Cyrus ne pouvait éclater
qu'autant que les Perses seraient opprimés par les Mèdes ; si
enfin, pour apprécier toute la valeur de Thésée, il était
nécessaire que les Athéniens fussent désunis : de même, en ces
jours, pour que quelque génie pût s'illustrer, il était nécessaire
que l'Italie fût réduite au terme où nous la voyons parvenue ;
qu'elle fût plus opprimée que les Hébreux, plus esclave que les
Perses, plus désunie que les Athéniens, sans chefs, sans
institutions, battue, déchirée, envahie, et accablée de toute
espèce de désastres.
    Jusqu'à présent, quelques lueurs ont bien paru
lui annoncer de temps en temps un homme choisi de Dieu pour sa
délivrance ; mais bientôt elle a vu cet homme arrêté par la
fortune dans sa brillante carrière, et elle en est toujours à
attendre, presque mourante, celui qui pourra fermer ses blessures,
faire cesser les pillages et les saccagements que souffre la
Lombardie, mettre un terme aux exactions et aux vexations qui
accablent le royaume de Naples et la Toscane, et guérir enfin ses
plaies si invétérées qu'elles sont devenues fistuleuses.
    On la voit aussi priant sans cesse le ciel de
daigner lui envoyer quelqu'un qui la délivre de la cruauté et de
l'insolence des barbares. On la voit d'ailleurs toute disposée,
toute prête à se ranger sous le premier étendard qu'on osera
déployer devant ses yeux. Mais où peut-elle mieux placer ses
espérances qu'en votre illustre maison, qui, par ses vertus
héréditaires, par sa fortune, par la faveur de Dieu et par celle de
l'Église, dont elle
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