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Le pianiste

Le pianiste

Titel: Le pianiste
Autoren: Wladyslaw Szpilman
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parution, ce
témoignage est à nouveau accessible, ce qui constituera peut-être, pour tous
les Polonais de bonne volonté, un encouragement à le republier dans leur langue,
dans leur pays.
     
    Andrzej Szpilman

1

La guerre
    Au 31 août 1939, tout Varsovie était persuadé depuis déjà un
certain temps qu’un conflit avec l’Allemagne était inévitable. Seuls les
optimistes impénitents avaient pu nourrir jusqu’à ce jour l’illusion que la
détermination affichée par la Pologne allait finalement dissuader Hitler d’attaquer.
Chez d’autres, inconsciemment peut-être, ce vœu pieux confinait à l’opportunisme
pur et simple : à l’encontre de toute logique, et quand bien même il ne
faisait plus de doute depuis belle lurette que la guerre était à l’horizon, ils
voulaient croire qu’elle tarderait assez à éclater pour leur permettre de jouir
de l’existence un peu plus longtemps. Car malgré tout la vie valait d’être
vécue, n’est-ce pas ?
    Certes, un black-out total était exigé des habitants le soir
venu. Dans chaque appartement, on calfeutrait soigneusement la pièce qui
devrait servir d’abri contre les gaz, on essayait les masques : de tous
les dangers pressentis, celui-là était le plus redouté. Mais au même moment, derrière
les vitrines aveuglées des cafés et des bars, les orchestres continuaient à
jouer pour les clients occupés à boire, à danser et à cultiver leur fibre
patriotique en entonnant des chants belliqueux. L’obscurité forcée, la
nouveauté que constituait l’obligation de se déplacer avec son masque à gaz en
bandoulière, l’aspect surprenant qu’avaient pris les rues lorsqu’on les
parcourait désormais en taxi dans la nuit, tout cela ajoutait un certain sel au
train-train quotidien, d’autant qu’aucune menace réelle ne pesait sur la ville,
pour l’instant.
    Le ghetto n’existait pas encore. Je vivais chez mes parents
rue Sliska avec mes sœurs et mon frère. J’étais pianiste pour Radio Pologne. Ce
dernier jour d’août, je suis rentré tard, fatigué, si bien que je me suis mis
au lit aussitôt. Nous habitions au troisième étage, une situation qui avait ses
avantages les nuits d’été, quand la poussière et l’odeur âcre de la rue étaient
repoussées de nos fenêtres ouvertes par une brise portant l’haleine rafraîchissante
de la Vistule.
    Quand j’ai été réveillé par le bruit, le jour se levait déjà.
J’ai consulté l’horloge. Six heures. Les explosions se produisaient en série, assez
assourdies à vrai dire, et certainement lointaines ; non dans la ville
même, en tout cas. Sans doute des exercices militaires, ai-je conclu. Il y en
avait eu si souvent au cours des derniers jours que nous nous y étions habitués.
Après quelques minutes, les grondements se sont tus et j’ai été tenté de me
rendormir mais il faisait trop clair, le soleil pointait, et j’ai donc choisi
de prendre un livre en attendant le moment du petit déjeuner.
    Il devait être au moins huit heures quand la porte de ma
chambre s’est ouverte. Ma mère est apparue, vêtue comme si elle s’apprêtait
déjà à sortir. Plus pâle que d’habitude, elle n’a pu dissimuler une certaine
réprobation en me découvrant encore au lit, plongé dans ma lecture. Elle a fait
mine de parler mais sa voix s’est étranglée et elle s’est éclairci la gorge
avant de lancer d’un ton heurté, oppressé : « Debout ! C’est la…
La guerre a éclaté ! »
    J’ai décidé de me rendre sans tarder au siège de la radio, où
je pourrais retrouver mes amis et apprendre les dernières nouvelles. Je me suis
habillé en hâte et je suis parti après une brève collation.
    De grandes affiches sur fond blanc avaient déjà été
placardées aux murs ou sur les colonnes publicitaires, reproduisant l’Appel à
la nation du président qui annonçait que les Allemands avaient déclenché les
hostilités. Des groupes de passants s’étaient arrêtés pour lire tandis que d’autres
couraient régler leurs affaires les plus urgentes. La patronne de l’épicerie
proche de notre immeuble s’affairait à étaler des bandes de papier collant sur
ses vitres, avec l’espoir que cela les empêche de voler en éclats au cours des
bombardements à venir. À côté, sa fille était en train de décorer de petits
drapeaux polonais et des effigies de dignitaires nationaux les plateaux de
salade composée, de saucisses ou de tranches de jambon. Les vendeurs
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