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Le Peuple et le Roi

Le Peuple et le Roi

Titel: Le Peuple et le Roi
Autoren: Max Gallo
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voix fervente,
qui dit :
    « J’entreprends, citoyens, de prouver que le roi peut
être jugé… »
    Mais il suffit de quelques phrases pour que le silence s’établisse,
que les sans-culottes des tribunes se penchent en avant, comme pour mieux
saisir les propos de Saint-Just, et commencer d’acclamer celui qui dit :
    « Les mêmes hommes qui vont juger Louis ont une
République à fonder…
    « Et moi je dis que le roi doit être jugé en ennemi, que
nous avons moins à le juger qu’à le combattre…
    « Un jour peut-être les hommes, aussi éloignés de nos
préjugés que nous le sommes de ceux des Vandales, s’étonneront de la barbarie d’un
siècle où ce fut quelque chose de religieux que de tuer un tyran…
    « On s’étonnera qu’au XVIII e siècle on ait
été moins avancé que du temps de César : là le tyran fut immolé en plein
Sénat, sans autre formalité que vingt-trois coups de poignard, et sans autre
loi que la liberté de Rome. Et aujourd’hui on fait avec respect le procès d’un
homme assassin d’un peuple, pris en flagrant délit, la main dans le sang, la
main dans le crime ! » Saint-Just s’interrompt, reprend son souffle, laisse
les applaudissements déferler, s’épuiser puis lance :
    « Pour moi je ne vois point de milieu : cet homme
doit régner ou mourir… Il doit mourir pour assurer le repos du peuple, puisqu’il
était dans ses vues d’accabler le peuple pour assurer le sien. »
    Les mots de Saint-Just résonnent maintenant dans un silence
de nef :
    « On ne peut point régner innocemment, dit-il : la
folie en est trop évidente. Tout roi est un rebelle et un usurpateur… Louis XVI
doit être jugé comme un ennemi étranger. »
    Saint-Just lève la main pour retenir la tempête d’approbation
qui s’annonce, roulant depuis les tribunes, entraînant la Montagne, puis toute
la Convention.
    « Il doit être jugé promptement… Il est le meurtrier de
la Bastille, de Nancy, du Champ-de-Mars, des Tuileries : quel ennemi, quel
étranger nous a fait plus de mal ?
    « On cherche à remuer la pitié, on achètera bientôt les
larmes, on fera tout pour nous intéresser, pour nous corrompre même. »
    Saint-Just se hausse sur la pointe des pieds, les bras
tendus, les mains agrippées à la tribune :
    « Peuple, si le roi est jamais absous, souviens-toi que
nous ne serons plus dignes de ta confiance et tu pourras nous accuser de
perfidie. »
    Les sans-culottes des tribunes se lèvent et leur ovation
emplit la salle du Manège.
    La voix de Saint-Just ne s’efface pas.
    Elle est encore dans toutes les mémoires quand le ministre
de l’intérieur, le Girondin Roland, annonce, le
    20 novembre, qu’on vient de mettre au jour, dissimulée sous
les lambris des Tuileries, une armoire de fer.
    C’est le serrurier Gamain qui l’a construite avec le
ci-devant roi, et c’est lui qui est venu en révéler l’existence. Elle contient
la correspondance du roi avec les tyrans, avec ses frères et ses ministres émigrés
– Calonne, Breteuil –, avec – la voix de Roland tremble – Mirabeau, et « tant
d’autres qui ont siégé parmi nous », et auxquels le roi a versé des
centaines de milliers de livres…
    « Et toi Roland ? » crie quelqu’un depuis les
tribunes.
    On soupçonne le ministre girondin d’avoir fait disparaître
des papiers le concernant et compromettants pour ses amis Brissot, Vergniaud, d’autres
encore.
    « Mirabeau, reprend-il, et Barnave, et Talleyrand. »
    « Leurs têtes au bout de nos piques ! »
    Et on scande : « Marat, Marat », car L’Ami
du peuple avait dénoncé tous ces complices de la Cour.
    La Convention décrète alors que quiconque proposera de « rétablir
en France les rois ou la royauté sous quelque dénomination que ce soit sera
puni de mort ! ».
    Et Robespierre fait briser le buste de Mirabeau au club des
Jacobins, et aussi celui d’Helvétius, ce persécuteur de Jean-Jacques Rousseau.
    Un cortège de sans-culottes, hurlant des cris de vengeance, réclamant
la mort pour le « gros cochon, sa putain, et toute leur descendance car la
progéniture des tyrans ne saurait survivre », s’en va brûler le buste de
Mirabeau en place de Grève.
    Lorsque Robespierre, le 3 décembre, dit de sa voix aiguë :
« Louis a été détrôné par ses crimes… la victoire et le peuple ont décidé
que lui seul était rebelle, il est déjà jugé, il est condamné ou la République
n’est point absoute »,
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