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Le neuvième cercle

Le neuvième cercle

Titel: Le neuvième cercle
Autoren: Christian Bernadac
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ce qui diminue mon œdème, et je me couche avec mes deux couvertures sur lesquelles je dispose, avec application, tous mes vêtements de façon à me couvrir le mieux possible.
    — C’est une journée comme tant d’autres que nous avons vécues qui se trouve terminée. Elle n’a été ni plus dure, ni plus particulièrement facile.
    *
    * *
    — Nous cxviii sommes un noyau de Français n’ayant jamais quitté le kommando d’Amstetten depuis sa formation. Il y a toujours avec moi Georges Bernard, Georges Henry, notre zozo, Pierre Bellec, Georges Siguier, Marcel Sanson au caractère impossible mais au cœur d’or et Ané et William, André Laithier, Maurice Faure, Bernard Ores, le petit Juif polonais à qui nous apprenons le français, et combien d’autres encore. Les Français sont toujours en majorité et nous connaissons une certaine sympathie de ceux qui sont journellement témoins de notre misère, sympathie silencieuse, limitée sans doute à des regards, à une présence, parfois à de discrets petits signes, mais chaude et réconfortante.
    — À Amstetten en particulier, le matin à 8 heures, le soir à 4 h 30, chaque jour sans exception, qu’il pleuve ou qu’il neige, une vieille grand-mère, sa fille et ses petits-enfants sont à leur fenêtre et nous regardent passer et nous sourient. De même une jeune femme à quelques mètres de là. De même un vieil Autrichien ressemblant à Hindenburg fumant sa pipe ; de même à Melk, une autre jeune femme. La même commisération, la même affection se lisent sur leur visage et nous comprenons qu’ils sont nos amis. Dans les plus fortes tourmentes de neige, sous les averses les plus drues, nous chantons de plus belle en passant sous leurs fenêtres. Car nous chantons, nous les Français.
    — L’hiver semble vouloir durer. Après un mois de janvier excessivement rigoureux qui nous a ramenés à des températures moyennes inférieures à moins quinze, et une journée de pointe à moins vingt-neuf, par bonheur sans vent, mais où nous avons particulièrement souffert, nous redoutons février, période habituelle de recrudescence du froid. Et cependant, dès le 1 er février, en sortant au petit jour sur la place d’appel, nous sentons un adoucissement certain de la température. Et effectivement, le thermomètre marque moins quatre et jamais plus il ne descendra plus bas. La débâcle, le dégel rapide, la température presque printanière, nous apportent un réconfort sérieux après les durs mois d’hiver qui ont clairsemé nos rangs. Combien manquent à l’appel ? Bientôt la neige disparaît complètement du sol et fait place à une boue glacée. Mais bientôt aussi la pluie fait sa réapparition dans cette plaine du Danube, ouverte à tous les vents d’est et d’ouest nous apportant, indifféremment, neige ou pluie, selon la saison. Et nous recommençons, comme au printemps et à l’automne derniers, à porter des semaines entières des vêtements qui n’ont jamais le temps de sécher.
    — L’hiver a été très meurtrier. Des quelque mille cent Français que nous étions, le 23 avril 1944, nous sommes peut-être trois cents alors. Mais beaucoup plus que nous qui sommes acclimatés, les « 28 000 », les Français arrivés en septembre, ont payé un lourd tribut à la saison froide. De sept cent cinquante au début, ils ne sont plus que cent cinquante, dont soixante-quinze à peu près connaîtront la Libération ! Des cinq cents Grecs arrivés en juillet, une dizaine seulement verront ce jour béni !
    — Février 1945, le 18 exactement, un dimanche, jour anniversaire de mon arrestation, premier bombardement sérieux d’Amstetten. Le 19, nous arrivons au travail avec trois heures de retard pour trouver la gare effondrée, crevée, anéantie, les bâtiments détruits et incendiés, les voies bouleversées, wagons retournés, rails à la verticale. Une seule voie est en service dans cette importante gare de triage qui en compte au moins vingt, sur au moins 2 kilomètres de longueur. Notre travail n’en sera pas – pour l’instant – plus compliqué. Seules les relations ferroviaires s’en trouveront aggravées et nous connaissons des retours, tard dans la nuit, dans des wagons sans vitres. De plus en plus nous passons des heures entières, parfois toute la matinée ou l’après-midi, dans les tranchées. Il y fait froid, elles ruissellent d’humidité. Mais qu’importe, assis sur deux planches posées
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