Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Le mouton noir

Le mouton noir

Titel: Le mouton noir
Autoren: Michel Langlois
Vom Netzwerk:
à l’argent qu’ils avaient volé. C’était à désespérer de voir un jour la justice s’avérer vraiment à la hauteur.

Chapitre 63
L’avenir du pays
    Ã€ peine étais-je de retour à Verchères que furent affichées aux portes des églises les exigences des nouveaux maîtres du pays, à la suite du traité signé à Paris par lequel la France avait cédé le Canada à la Grande-Bretagne. Les Anglais avaient décidé de faire disparaître le nom Canada pour le remplacer par celui de Province de Québec. Ainsi, ce que nous appelions le Canada, de la Gaspésie jusqu’aux Grands Lacs, devenait une colonie anglaise puisque le mot province signifie colonie. Nous étions les nouveaux colonisés de la Grande-Bretagne. Les conquérants avaient décidé de faire de nous des sujets britanniques.
    Comme me l’expliqua mon ami Huberdeau venu en visite à Verchères, le traité de Paris était très vague à propos de la langue française et demeurait très flou quant à notre religion. On laissait entendre que nous pourrions pratiquer notre religion en autant que le permettaient les lois de la Grande-Bretagne.
    â€” Ça ne veut absolument rien dire, m’assura Huberdeau. Les dirigeants pourront se permettre de très grandes libertés à ce sujet, tout comme à celui de la langue. Et c’est déjà commencé.
    â€” Qu’entends-tu par là?
    â€” Nous n’avons plus le droit d’avoir des écoles françaises. Pire, si nous voulons travailler pour eux, nous devrons renoncer à notre religion. Nous voilà soumis à leurs lois anglaises…
    â€” Je sais déjà, dis-je, que si nous voulons vendre nos biens, nous devrons le faire uniquement à des Anglais.
    â€” Il est évident, reprit Huberdeau, qu’ils font tout ce qu’ils peuvent pour faire de nous une colonie anglaise semblable aux treize colonies américaines qu’ils ont déjà, plus au sud. J’ai entendu dire qu’ils invitent les Anglais qui habitent dans ces colonies à venir s’établir dans la province de Québec.
    Je lui fis la remarque:
    â€” Dans cinquante ans, sous un tel régime, notre peuple n’aura-t-il perdu sa langue et sa foi?
    â€” Cela n’arrivera pas!
    â€” Comment peux-tu en être si certain?
    â€” Nous sommes trop nombreux par rapport à eux. Il faut demeurer confiant, notre peuple va survivre.
    â€” Qu’est-ce qui t’en assure?
    â€” Si les Anglais désirent vivre en paix en Nouvelle-France, ils devront revenir sur leurs décisions.
    â€” Tu crois que nous pourrons leur tenir tête, sans armée et sans arme?
    â€” Absolument. D’abord, rien ne nous oblige à nous faire juger par leurs tribunaux. Nous n’avons qu’à nous adresser à nos juges seigneuriaux. Pour ce qui est de l’enseignement de notre langue, ce sont nos mères qui nous ont appris à parler. Ce sont elles qui prendront le relais et apprendront aux enfants à lire et à écrire. Personne ne pourra nous empêcher si nous le voulons de pratiquer notre religion.
    Huberdeau était un bon ami et un brillant homme. Ses paroles apaisèrent mes craintes et je m’efforçai de vivre paisiblement en compagnie de ma chère Justine les dernières années qui me restaient encore en ce bas monde.

    Je revis Huberdeau quelques années plus tard. Il n’avait pas perdu sa foi en l’avenir de notre peuple. Il me parla longuement du gouverneur Murray:
    â€” Cet homme est plus lucide que beaucoup de ses compatriotes, et en particulier les marchands qui le prient d’intervenir afin de faire de nous le plus vite possible des Anglais comme eux.
    â€” Rien n’empêche qu’il a fait pendre le meunier Nadeau.
    â€” Il voulait donner par là un exemple et nous signifier que nous n’étions pas en position pour résister. Mais, depuis, il a constaté que ce n’est pas en se mettant le clergé et le peuple à dos qu’il viendrait à bout de nous. Aussi a-t-il accepté qu’un nouvel évêque s’installe à Québec. Bien que critiqué par les marchands anglais, il sait très bien qu’il n’y a qu’une façon pour les Anglais de ne pas perdre le contrôle: c’est de nous
Vom Netzwerk:

Weitere Kostenlose Bücher