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Le médecin d'Ispahan

Le médecin d'Ispahan

Titel: Le médecin d'Ispahan
Autoren: Noah Gordon
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oui ?
Pourquoi ça ?
    – Je le dirai
à Mary Cullen. »
    L'homme était
encore jeune mais déjà grisonnant et aussi vigilant que le chien. Rob lui
demandant son nom, il hésita un moment à répondre puis dit enfin :
    « Craig
Cullen.
    – Je m'appelle
Cole. Robert Cole. »
    L'Ecossais
acquiesça, ni surpris ni cordial.
    « Suivez-moi »,
dit-il, et il partit devant.
    Rob ne l'avait
pas vu faire signe au chien, qui pourtant prit position derrière le cheval. Il
arriva ainsi entre l'homme et le chien, comme une chose égarée qu'ils auraient
retrouvée dans les collines.
    La maison et
la grange étaient en pierre, de bonne construction ancienne. Des enfants le
suivaient en chuchotant et il mit un moment à reconnaître ses fils parmi eux.
Tarn parlait à son frère en gaélique.
    « Qu'est-ce
qu'il a dit ?
    – Il m'a
demandé : " C'est lui notre papa ?  " et j'ai dit
oui. »
    Rob sourit et
voulut les prendre mais ils se sauvèrent en criant, avec les autres, dès qu'il
sauta de sa selle. Il remarqua avec joie que Tarn courait sans difficulté même
s'il boitillait encore légèrement.
    « Ils
sont un peu timides mais ils vont revenir », dit Mary sur le seuil.
    Elle
détournait la tête sans chercher son regard. Peut-être n'était-elle pas
heureuse de le revoir ? Puis elle fut dans ses bras, où elle se sentait si
bien. Il découvrit en l'embrassant qu'elle avait perdu une dent, en haut à
droite.
    « Je me
suis battue avec une vache pour la remettre dans l'enclos et je suis tombée
contre ses cornes... Je suis vieille et laide, dit-elle en pleurant.
    – Je ne suis
pas marié avec une dent ! dit-il d'un ton rude, en caressant doucement du
doigt la gencive dans sa bouche chaude. Ce n'est pas une dent que j'ai pris
dans mon lit.
    – Dans ton
champ de blé, dit-elle, souriant à travers ses larmes... Mais tu dois être
épuisé et mort de faim. »
    Elle lui prit
la main et le mena dans la cuisine, lui donna des galettes d'avoine, du lait.
C'était étrange de la voir là, si à l'aise chez elle. Il lui parla de son frère
retrouvé et perdu, de sa fuite.
    « Autrement,
serais-tu revenu ?
    – Tôt ou tard,
oui. C'est un beau pays, mais rude.
    – On y est
mieux par temps chaud. Mais avant, il faudra labourer.
    –
Allons-y », dit-il en riant et elle rougit.
    Elle ne
changera jamais, pensa Rob avec plaisir. Elle le mena dans la maison et bientôt
ils furent pris d'un tel fou rire qu'il craignit de ne pouvoir lui faire
l'amour. Mais il n'y eut aucun problème, finalement.

79. L'AGNELAGE

 
    Le matin, chacun tenant un enfant sur sa selle, ils allèrent faire le tour de
l'immense propriété, parmi les collines. Partout des moutons levaient leur tête
blanche, noire ou brune sur le passage des chevaux. Mary était fière de montrer
son domaine. Trente-sept petits fermiers vivaient autour de la grande ferme, et
tous étaient ses parents. Quarante et un hommes.
    « Toute
ta famille est ici ?
    – Les Cullen
seulement. Les Tedder et les MacPhee sont aussi nos parents. Les MacPhee
habitent à l'est, à une matinée de cheval ; les Tedder à une journée de
cheval, au nord, après le fleuve.
    – Combien
d'hommes dans ces trois familles ?
    – Peut-être
cent cinquante.
    – C'est ton
armée, dit-il avec une moue.
    – Oui, c'est
rassurant. »
    Les moutons
lui semblaient déferler comme un fleuve sans fin.
    « Nous
les élevons pour les peaux et les toisons. Nous mangeons la viande, qui ne se
conserve pas. Tu seras vite las du mouton. Les brebis ont commencé à mettre
bas, il faut les aider jour et nuit. Certains agneaux doivent être tués entre
le troisième et le dixième jour, quand la peau est la plus belle. »
    Elle le laissa
près de Craig. Au milieu de la matinée, les bergers l'avaient déjà accepté, le
voyant calme devant les naissances difficiles et habile à aiguiser et manier
les couteaux. Il fut consterné de les voir châtrer les agneaux mâles en
arrachant d'un coup de dents les testicules qu'ils jetaient dans un seau. Craig
lui sourit, la bouche sanglante.
    « On peut
pas avoir que des béliers, tu vois.
    – Mais
pourquoi ne prends-tu pas un couteau ?
    – On a
toujours fait comme ça. C'est plus vite fini et moins douloureux pour la
bête. »
    Ils
reconnurent ensuite que le scalpel d'acier spécial de Rob était très efficace
aussi, mais il ne leur parla pas de son expérience avec les futurs eunuques.
Ces bergers étaient des hommes indépendants et compétents.
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