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Le maréchal Ney

Le maréchal Ney

Titel: Le maréchal Ney
Autoren: Frédéric Hulot
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que plusieurs généraux, dont Dupont qui avait servi sous les ordres de Ney, votèrent la mort. Pour leur piètre défense, ils alléguèrent la détention qu’avait subie Moncey pour n’avoir pas obéi au roi : piteux argument.
    Dans ses mémoires, Marmont ne s’est ni justifié ni expliqué. Kellermann, Sérurier, Pérignon, trois des quatre anciens, n’avaient pas servi sous l’empire et ne connaissaient pas Ney. Ainsi, même en considérant ce vote, on ne peut affirmer que le conseil de guerre récusé eût pris une position identique.
    Plusieurs grands seigneurs se distinguèrent en se séparant de la majorité, ce qui fut tout à leur honneur. C’étaient les ducs de Broglie, de Choiseul et de Montmorency. Ce dernier tint à expliquer publiquement son vote, et ce fut le seul moment comique de cette séance si tragique. Ney était son voisin à la campagne et ils avaient l’habitude de chasser ensemble. Dès lors le condamner à mort lui paraissait du dernier mauvais goût !
    En définitive, cent trente-neuf pairs, aveuglés par la passion ou affolés par leur responsabilité, se prononcèrent pour la peine de mort, dix-sept pour la déportation et cinq sollicitèrent la clémence du roi. Louis considéra qu’ils étaient trop peu nombreux pour qu’il fût possible d’y donner suite. La sentence était exécutoire dans les vingt-quatre heures. Seule la grâce de Louis XVIII pouvait sauver Ney, qui avait été reconduit dans sa chambre avant le vote.
    *
    Louis XVIII, prisonnier de son entourage et dans une certaine mesure des souverains alliés, ne pouvait de son propre chef et quel qu’en fût son désir exercer son droit de grâce. On a vu quelle avait été sa position face au souhait d’une minorité de la Chambre des pairs. À cette heure, deux personnes étaient seules en mesure de la lui demander et de l’obtenir. La première était sa nièce, la duchesse d’Angoulême, fille de Louis XVI. Comme il pensait bien qu’elle ne la solliciterait pas de son propre chef, le roi dit à son président du Conseil, le duc de Richelieu, que si elle le souhaitait, il accéderait à sa requête. Le duc alla donc voir Madame d’Angoulême et lui avoua qu’il était envoyé par son oncle. Bien qu’il revînt plusieurs fois à la charge, elle ne voulut rien entendre, ce qui devait lui valoir le surnom de « Madame la rancune ». Ce n’est que dix ans plus tard, après avoir lu les mémoires du général de Ségur sur la campagne de Russie, qu’elle déclara que si elle avait alors connu les exploits de Ney, elle eût sollicité sa grâce : remords un peu tardifs. Mais cette mise en scène orchestrée par le roi montre à quel point il était désireux de sauver la vie de Ney.
    Devant ce refus, il n’y avait plus qu’une intervention possible, celle du duc de Wellington, commandant en chef des troupes d’occupation, vainqueur de Waterloo et signataire de la fameuse convention de Paris. Eglé, qui ne savait plus à quel saint se vouer, toujours conseillée par son beau-frère, lui-même télécommandé par Decazes, peut-être par Fouché et, derrière eux, le roi, se précipita chez Wellington malgré l’heure tardive et fut reçue. Le duc l’écouta. Il était personnellement partisan du châtiment de Ney, mais ne pouvait oublier sa conduite chevaleresque en Espagne dans l’affaire Napier ni son héroïsme à Waterloo. Et puis c’était un gentleman et il n’était pas insensible, quoi qu’on ait dit de lui, aux pleurs d’une femme. En grommelant, il promit d’agir et comme le temps pressait il demanda sa voiture et se fit conduire aux Tuileries.
    Lorsqu’on lui apporta la demande d’audience, Louis XVIII, qui avait parfaitement compris le sens de la démarche puisqu’il l’avait indirectement inspirée, allait l’accorder. C’était l’ouverture qu’il cherchait en vain depuis des heures. Malheureusement, son frère le comte d’Artois était à ses côtés. Il n’avait pas le sens politique du roi. Il fit tout ce qui était en son pouvoir, allant jusqu’à se jeter aux genoux de son frère, pour empêcher que l’audience fut accordée. Wellington, jugeant qu’il avait déjà fait beaucoup, se retira sans insister.
    Le moins agité des acteurs de cette tragédie était sans doute le maréchal, qui soupa tranquillement et se coucha. Il était trois heures du matin quand on le réveilla pour lui communiquer la sentence et, malgré son souci de demeurer calme, il ne put
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