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Le marchand de mort

Le marchand de mort

Titel: Le marchand de mort
Autoren: C.L. Grace
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n’a pas été ouverte depuis au moins une semaine, Maîtresse Swinbrooke.
    — Je m’en rends compte, répliqua Kathryn qui revint près du lit pour observer le cadavre.
    Il était affreux,  maintenant, dans la chiche lumière entrant par la fenêtre. La jeune femme souleva l’épaisse chemise de nuit et regarda la chair blanc grisâtre, les testicules plutôt ratatinés, la poitrine, le ventre et les cuisses flasques.
    — Ce n’est pas un bien joli spectacle, marmotta Standon.
    Ils s’étaient tous groupés autour du lit. Kathryn repéra un petit gobelet de vin sur la table. Elle le prit et le huma. Il ne contenait plus qu’un fond de vin dont l’odeur était normale. Kathryn y trempa son doigt avec précaution pour le porter à ses lèvres.
    — Est-ce bien prudent ? murmura Colum.
    — Oui, ce n’est que du vin. Kathryn regarda Smithler.
    — L’homme a monté ce gobelet dans sa chambre en se retirant ?
    — En effet. Comme l’a ordonné Maître Luberon, rien n’a été touché.
    À son tour, Luberon prit le gobelet. Il y fit tourner le fond de vin, vit la fine pellicule qui le recouvrait, et comme le gobelet d’étain était teinté.
    — Oui, c’est bien la coupe que j’ai vue ici ce matin, déclara-t-il. Le vin y a séjourné quelque temps. Qu’est-ce qui vous préoccupe, Maîtresse Swinbrooke ?
    Une fois encore, Kathryn huma la bouche malpropre du cadavre, souleva ses paupières et passa la main sur son ventre gonflé.
    — Approchez la bougie, Colum.
    L’Irlandais obéit.
    — Plus près encore ! insista Kathryn. Près du visage !
    Colum le fit et retint son souffle en voyant les rougeurs pareilles à du dartre sur les joues du mort. Les mêmes taches rougeâtres apparaissaient sur sa gorge, sa poitrine et son ventre.
    — Qu’est-ce ?
    Kathryn s’assit sur le bord du lit pour répondre :
    — Sir Reginald Erpingham n’est pas mort d’une attaque ou d’une crise d’apoplexie, ni d’aucune cause naturelle. Il a succombé au poison le plus courant et le plus virulent. Les latinistes le nomment belladona, et nous, la mortelle belle-dame.
    Elle indiqua les rougeurs sur la peau, puis glissa délicatement un doigt entre les lèvres du mort.
    — Tous les signes sont là. La bouche sent le poison. Voyez-vous, la belladone est une haute plante vivace que l’on trouve dans les bois, les fourrés et les haies. Sa fleur en forme de clochette violette n’est pas dangereuse, mais ses feuilles et ses racines contiennent une substance fatale. Les symptômes apparaissent clairement après la mort : le ventre est légèrement ballonné, la peau se tache de rougeurs par endroits, surtout sur le visage et le cou, qui prennent au toucher une consistance cireuse. Les lèvres et la bouche de la victime sont sèches comme du parchemin, et ses pupilles demeurent largement dilatées.
    Kathryn se leva et recouvrit soigneusement le corps dénudé.
    — Sir Reginald Erpingham a été empoisonné. La mort sera survenue très rapidement.
    Elle haussa les épaules.
    — Sans doute en moins d’une demi-heure.
    — Comment ne s’en est-il pas douté ? demanda Colum. Il aurait pu se débattre ou crier au secours.
    Kathryn secoua la tête.
    — Non. Les symptômes sont en tout point semblables à ceux d’une attaque.
    Elle promena son regard dans la chambre. Hormis la fenêtre et les sacoches ouvertes, tout semblait en ordre. Le petit feu qui avait brûlé dans l’âtre n’était plus qu’un tas de cendres blanches. Dans l’angle le plus éloigné gisaient, entassés, les vêtements du mort : justaucorps, tunique, bas et ceinture d’armes. Kathryn les indiqua d’un geste.
    — Ils étaient ainsi, ce matin ?
    — Oui, répliqua Standon, pourquoi ?
    Kathryn montra la patère au mur.
    — Simple curiosité. Pourquoi ne les a-t-il pas pendus là ?
    Standon marmonna qu’Erpingham était un bâtard désordonné, et Kathryn préféra ne pas relever. Elle traversa la pièce pour examiner le tas de vêtements.
    — Comment a-t-on découvert Erpingham ? demanda Colum.
    — Je suis monté ce matin, répondit Standon, et j’ai frappé et frappé à la porte. J’ai compris qu’il était arrivé quelque chose, aussi ai-je appelé Smithler…
    Standon exhala un soupir sonore.
    — … qui m’a dit d’aller me faire fiche, il avait trop à faire à la cuisine. Il a autorisé Vavasour et des soldats de mon escorte à prendre un banc et nous avons cogné sur la porte pour faire
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