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Le livre du magicien

Le livre du magicien

Titel: Le livre du magicien
Autoren: Paul C. Doherty
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Il se remémora la dernière fois où lui et Bolingbroke avaient rencontré le magistrat. Quand était-ce ? Environ huit semaines plus tôt, vers la Fête-Dieu ? Corbett, prétextant un incident diplomatique, était venu à Paris et avait eu une entrevue avec ses deux clercs secrets, comme il les appelait, dans une petite auberge hors les remparts de la ville, sur la route de Fontainebleau. Il ne leur avait pas dit grand-chose ; c’était inutile, car Ufford comme Bolingbroke étudiaient les sciences naturelles, le Quadrivium et le Trivium {1} , la logique, la métaphysique, la philosophie et l’éthique des Maîtres. Cela faisait maintenant trois ans qu’ils étaient à Paris à rassembler des informations pour la couronne d’Angleterre. Mais à présent, leur tâche s’était modifiée...
    Corbett avait retenu une chambre à l’auberge et les avait réunis autour d’une table pendant que son écuyer, Ranulf-atte-Newgate, vêtu de cuir noir, gardait la porte. Le contraste entre Corbett et Ranulf ne cessait d’étonner Ufford. Sir Hugh avait la peau mate et des yeux profondément enfoncés. Son visage rasé de près, aux traits réguliers, était toujours imperturbable. En secret, Ufford le nommait « l’homme au coeur et aux mains purs ». Ranulf le roux était différent. Ses yeux obliques et verts dans sa figure pâle étaient sans cesse aux aguets. C’était un combattant, expert dans le maniement de l’épée, du poignard et du garrot. Ufford avait ouï des rumeurs : Ranulf, autrefois, avait été un pendard, un coquin des puantes venelles londoniennes que Corbett avait sauvé du gibet. À l’inverse de son maître qui avait étudié aux collèges d’Oxford, Ranulf s’était éduqué seul. Homme à l’ambition dévorante, capable de s’adapter à tout, il était à présent clerc principal à la chancellerie de la Cire verte {2} .
    — Voilà qui est fait ! s’exclama le Roi des Clefs.
    Le cliquètement tira Ufford de sa rêverie. Le larron, ayant fait sauter les deux serrures latérales, s’affairait sur les trois frontales.
    Allez, vite ! insista Bolingbroke, adossé à l’huis.
    Ufford dévisagea son compagnon. Ce dernier, à l’ordinaire homme calme et réservé, aux manières plutôt élégantes et à la mise recherchée, se montrait, ce soir, fort agité. Ufford n’en ignorait pas la raison. L’un des magistri, à l’étage, était un traître. Ni lui ni Bolingbroke ne savaient de qui il s’agissait, mais, après de longues recherches, ils avaient appris que l’université de la Sorbonne possédait une copie du Secretus secretorum de frère Roger Bacon et que les érudits tentaient d’en déchiffrer le code secret. Le mystérieux traître avait proposé de vendre le Secretus à la Couronne anglaise. Au début, les deux hommes étaient restés sur leurs gardes ; on les espionnait, les suspectant d’être des agents secrets. Mais, là encore, ce n’était que soupçons et il n’y avait nulle preuve. Et voilà que tout avait changé. Quelqu’un avait eu vent de leur rencontre confidentielle avec Corbett. Quelqu’un savait que le garde du Sceau privé les pressait de découvrir le manuscrit, ou un exemplaire, de le dérober et de le rapporter sans délai en Angleterre...
    Ufford leva la main en signe de paix, Bolingbroke lui répondit par un sourire contraint et baissa les yeux sur le Roi des Clefs occupé par le coffre. Bolingbroke, comme Ufford, ignorait qui était à la source de leur renseignement ; on avait simplement déposé des lettres rue des Carmélites, dans leur logis sis au-dessus de la taverne du Martel de fer. Les messages expliquaient que le Secretus secretorum était en possession de Maître Thibault qui le conservait au fond d’une arche dans la chambre forte de sa demeure.
    — D’accord !
    Un nouveau cliquetis. Le Roi des Clefs se retourna et souleva le fermoir avec solennité.
    — Pour l’amour du ciel ! chuchota Ufford d’une voix rauque en désignant les deux autres serrures.
    Le temps passait ; les fêtards, là-haut, pourraient désirer plus de vin et il ne fallait pas qu’on les dérange. Si on les arrêtait... Ufford ferma les yeux : cette idée lui était insupportable.
    Ces derniers jours, alors qu’ils préparaient le larcin, lui et son compagnon s’étaient aperçus que de sombres silhouettes se tenaient au débouché des ruelles et surveillaient leur logement. Corbett les avait avertis de se méfier du seigneur Amaury de
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