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Le jour des barbares

Le jour des barbares

Titel: Le jour des barbares
Autoren: Alessandro Barbero
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hippopotames du Nil ; nous
devons donc nous réjouir que Valens ait sauvé de l’extermination « une
population d’hommes, peut-être des barbares, comme le diront certains, mais des
hommes tout de même ».
    Il est étonnant, pour un lecteur d’aujourd’hui, d’apprendre
que les élites hellénisées de l’Empire romain avaient des préoccupations
environnementalistes et se souciaient du sort des éléphants de Libye et des
hippopotames du Nil ; mais ce qui nous intéresse ici est la dimension
humanitaire, selon laquelle l’empire, qui aspire à dominer le monde, doit se
donner aussi pour objectif de civiliser les barbares : le génocide, en
comparaison, est une mauvaise option, indigne d’une grande civilisation. Nous
pouvons parier que plus d’un général, en privé, voyait les choses très différemment,
mais officiellement c’était là un discours qu’on ne pouvait plus tenir. Pas
seulement parce que l’empire était devenu chrétien ; l’influence du clergé
ne suffit pas à expliquer la pénétration de ces idéaux humanitaires chez des
intellectuels tels que Thémistius ou Libanius, qui étaient païens. Le fait est
que l’idéologie de l’empire se concentrait de plus en plus ouvertement sur le
pouvoir d’attraction qu’il exerçait sur l’humanité entière. La pression même
des barbares aux frontières, dans cette perspective, devenait une confirmation,
et exigeait de la part des empereurs un déploiement de bienveillance envers « ces
peuples qui n’ont jamais eu l’occasion d’être romains », pour citer un
autre rhéteur de l’époque. L’intégration devait être encouragée, tel était le
mot d’ordre ; et les empereurs, dans leurs lois, se congratulaient du fait
que « beaucoup de membres des peuples étrangers sont venus dans notre
empire afin de connaître le bonheur romain ».

8.
    Lorsque Thémistius loue l’empereur Valens d’avoir fait la
paix avec les Goths au lieu de les massacrer tous, nous voyons se dessiner sous
nos yeux l’idéologie humanitaire et universaliste caractéristique de l’Empire
romain tardif. On peut bien sûr se demander si ceux qui la propageaient y
croyaient vraiment, ou si c’était seulement la couverture d’un impérialisme
sans scrupules ; d’ailleurs, ce n’est pas seulement dans le cas de l’Empire
romain que l’on note ce décalage entre les discours, pleins de nobles principes,
et la brutalité de la pratique politique. Mais pour comprendre le climat qui
prépara la bataille d’Andrinople, il faut les avoir en tête, ces discours élégamment
construits qui résonnaient, en grec, dans les salles du palais impérial et du
sénat de Constantinople. De nos jours, dit Thémistius, l’empereur romain n’est
pas seulement le père d’un peuple, mais de toute l’humanité ; son rôle est,
certes, de mortifier l’insolence des barbares, mais aussi de les protéger et de
les guider paternellement, jusqu’à ce qu’ils deviennent « une partie de l’empire ».
    La façon concrète dont les Goths, après la paix de 369, pouvaient
devenir une partie de l’empire nous fait toucher du doigt la distance entre les
beaux discours et la réalité. Valens avait besoin de mercenaires, parce qu’il
avait l’intention de faire la guerre aux Perses. Il se mit donc, comme on l’avait
toujours fait par le passé, à engager des bandes de Goths et à les transférer
sur la frontière mésopotamienne, en attendant d’avoir réuni assez de forces
pour commencer la campagne. Ainsi, il y avait bien une place dans l’empire pour
les Goths, mais en tant que main-d’œuvre d’un genre très particulier : de
la chair à canon, dirions-nous aujourd’hui. Et il y avait aussi une place pour
eux en un sens encore plus pervers. Après les expéditions punitives de Valens, le
pays des Goths au-delà du Danube était ravagé, et le nouveau traité leur était
beaucoup moins favorable que celui de Constantin. Les subsides et les fournitures
de blé étaient suspendus : cette sanction visait à punir les Goths pour s’être
rebellés et à leur apprendre l’obéissance. Même les échanges commerciaux avec
les marchands romains, si importants pour satisfaire le goût du luxe des
princes goths et pour sauver leur peuple de la faim en cas de disette, étaient
désormais restreints. Dans le pays des Goths, donc, comme cela se produit
encore aujourd’hui dans tout pays pauvre ayant à subir des sanctions
économiques, on vivait de
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