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Le jour des barbares

Le jour des barbares

Titel: Le jour des barbares
Autoren: Alessandro Barbero
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une très sage politique, et Valens en subit les conséquences. Ses
sujets orthodoxes étaient mécontents, et dans plusieurs grandes villes la
tension était si forte qu’il fut contraint de revenir sur ses décisions et de
rappeler les évêques exilés. Tout cela ne contribuait évidemment pas à
renforcer sa position, et s’il avait dû se présenter à des élections, Valens
aurait été très largement battu. Mais les empereurs romains, comme chacun sait,
étaient nommés à vie, et la seule façon de s’en débarrasser était de les assassiner ;
Valens se maintint donc au pouvoir, mais son image resta assombrie par les
conflits religieux qu’il n’avait pas su gérer.
    L’autre front sur lequel il eut des problèmes dès le début
était celui des Goths. Quand on apprit que Valentinien avait nommé son frère
empereur d’Orient, un général qui se trouvait alors à Constantinople, Procope, se
rebella et se fit proclamer empereur par ses troupes. Procope avait deux atouts
dans son jeu : il contrôlait la capitale, et il était rattaché à la
famille de Constantin. Les chefs goths, dans leurs steppes au-delà du Danube, eurent
vent de ce qui se tramait et décidèrent que leur peuple n’était pas lié par
traité à l’Empire romain, mais seulement à Constantin et à sa famille. Il est
clair que, dans leur mentalité, il n’y avait guère de place pour la notion
abstraite d’État, alors qu’ils comprenaient fort bien les liens personnels. Malheureusement
pour eux, ils firent le mauvais choix : ils envoyèrent des bandes de
guerriers en soutien à Procope, mais quand ils arrivèrent l’usurpateur avait
déjà été vaincu et tué, et Valens était au pouvoir. L’empereur victorieux fit
emprisonner tous ces guerriers et entreprit de négocier avec les chefs goths
les conditions de leur restitution ; mais la négociation s’enlisa, faisant
perdre à Valens le peu de patience qu’il avait, et il ordonna que tous les
prisonniers goths soient vendus comme esclaves. Le vieux traité qui unissait
les Goths à l’empire n’ayant plus la moindre valeur, Valens décida aussitôt de
reformuler les choses à sa façon. Il franchit le Danube avec son armée et entreprit
de dévaster minutieusement le pays, pour apprendre aux barbares à rester à leur
place. Il ne semble pas qu’il y ait eu de combats importants, mais la stratégie
de la terre brûlée se révélait payante, ne serait-ce qu’en raison du fait que, jusqu’alors,
les Goths s’étaient habitués à compter sur les subsides payés par les Romains, sur
les fournitures gratuites de blé, sur la possibilité de commercer avec les
marchands venus de l’empire ; maintenant que tout cela s’arrêtait
subitement, ils risquaient littéralement de mourir de faim. Leurs chefs
finirent donc par se rendre auprès de Valens, le suppliant à genoux de faire la
paix.

7.
    Cela se passait en 369, sept ans avant le début de la crise
qui allait s’achever par la bataille d’Andrinople. Nous ne connaissons pas le
texte du traité que Valens imposa aux Goths vaincus et réduits à la misère ;
mais nous disposons d’un témoignage exceptionnel, qui nous apprend comment la
propagande impériale voulut expliquer aux sujets de l’empire la ligne politique
adoptée à l’égard des Goths. Il s’agit d’un discours prononcé devant l’empereur
par le rhéteur grec Thémistius, l’un des hommes politiques les plus influents de
Constantinople, pour le féliciter d’avoir conclu la paix. Ce discours traduit
une idéologie, disons, progressiste et humanitaire, très répandue à l’époque
dans les cercles dirigeants de l’empire, et qui est l’autre face de la cruauté
délibérée avec laquelle les troupes romaines menaient leurs opérations en
territoire ennemi.
    Thémistius, comme presque tous les politiciens de l’empire, est
persuadé qu’avec un peu de persévérance les barbares pourront être civilisés, et
qu’un jour ils pourront eux aussi devenir sujets de l’empereur, des sujets
utiles – ce qui, dans le langage du temps, signifie surtout des contribuables
solvables. C’est pourquoi Thémistius fait l’éloge de Valens qui, alors qu’il
pouvait exterminer les Goths, a préféré les épargner, et il formule cette
extraordinaire comparaison : nous nous préoccupons beaucoup, dit-il, de
préserver les espèces animales, nous ne voulons pas voir disparaître les
éléphants de Libye, les lions de Thessalie et les
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