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Le jeu de dupes

Le jeu de dupes

Titel: Le jeu de dupes
Autoren: Anne-Laure Morata
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pour respirer de grandes goulées d'air frais.
    Ce n'est qu'à ce moment-là qu'il remarqua les traces de sabots dans la neige remontant vers la demeure seigneuriale. Avec une énergie décuplée par le danger, inquiet du sort réservé aux siens, François s'élança sur l'alezan et le mena à un train d'enfer jusqu'aux portes de Mont Menat. Apercevant le pont-levis il se força à ralentir et s'immobilisa, tous les sens en éveil.
    On aurait dit le château ensorcelé : les bruits habituels avaient disparu, remplacés par un silence pesant, de mauvais augure. Les douves franchies, pieds à terre, François donna une tape sur la croupe de son animal qui regagna seul sa stalle dans les écuries. Arme au poing, il traversa la cour centrale :les lieux semblaient déserts. Le gentilhomme se précipita dans les escaliers menant aux appartements de son épouse. Sur le palier, devant la chambre des jeunes mariés, la dépouille d'une frêle soubrette barrait l'accès. Il repoussa avec douceur le corps menu et à peine pubère de l'infortunée servante, sentant sa chair se hérisser puis se recouvrir d'une fine sueur glacée au spectacle de ses traits innocents figés par la strangulation. François se força à avancer, redoutant le pire.
    La porte s'ouvrit, révélant dans une pénombre que nulle bougie n'atténuait un chaos de meubles brisés mêlés au damas des tentures arrachées avec, au centre, sur le lit, couché à plat ventre, un corps sans vie. François déglutit avec peine et se sentit proche de perdre la raison en pensant découvrir la belle chevelure brune qu'il adorait libérer des coiffures qui l'enserraient. Il se précipita pour retourner la morte avec délicatesse, repoussant les mèches qui masquaient sa figure. Il eut un long soupir en réalisant qu'il ne s'agissait pas du visage de l'être aimé mais de celui de Violette. Une fraction de seconde, la ressemblance entre les cousines lui avait fait s'imaginer tenir dans ses bras sa tendre moitié. Honteux de ressentir un intense soulagement, il constata avec horreur des traces de torture sur le buste de la malheureuse. François la replaça sur le lit, tentant de l'envelopper au mieux avec des draps avant de continuer ses recherches.
    Chaque battant poussé suscitait la crainte d'être confronté à de nouvelles atrocités. Le silence devint intolérable. Il se mit à parcourir les différentes pièces du château au pas de charge tout en appelant Nolwenn à pleins poumons. Des gémissementslui parvinrent de la bibliothèque : c'était Perceval, le lévrier de Gervais, qui avait reçu une décharge de plomb dans le flanc et dont la blessure, bien que superficielle, le faisait horriblement souffrir. Reconnaissant François, il se précipita pour se blottir contre ses jambes en tremblant.
    – Aide-moi, Perceval, cherche avec moi, où sont-ils ? Où est ton maître ?
    Le fidèle compagnon émit de petits jappements plaintifs et se mit à flairer de tous côtés avant de descendre péniblement au rez-de-chaussée, en direction de l'office. François le suivit, priant de ne pas avoir à trouver d'autres victimes.
    Les cuisines semblaient avoir été épargnées : dans l'âtre, des poulets embrochés noircissaient lentement et les navets épluchés qui devaient les accompagner étaient éparpillés sur un plan de travail. Perceval se précipita sur la porte du cellier et se mit à la griffer avec frénésie. Plein d'appréhension, François ouvrit les lourds panneaux de bois. Ses yeux mirent de longues secondes à s'habituer à l'obscurité d'où émergeaient plusieurs silhouettes recroquevillées. Le jeune homme sentit un énorme poids lui libérer la poitrine en constatant que ses domestiques, ligotés et bâillonnés, respiraient encore. Rapidement il les délivra et s'assura qu'ils ne souffraient que de simples ecchymoses. Marotte, la chambrière de Nolwenn, fut la première à recouvrer ses esprits.
    – Ils étaient une quinzaine… des monstres… Ils criaient après Madame…
    La servante éclata alors en sanglots, transformant la suite de ses propos en vagues borborygmes.
    – Où est votre maîtresse, l'ont-ils emmenée ? gronda François en la saisissant aux épaules pour qu'elle se reprenne.
    – Ils l'ont traînée dehors… Gervais a tenté de les en empêcher. On a entendu des cris… Puis plus rien, plus rien, répéta-t-elle le regard vide, les mains crispées sur son tablier.
    François comprit que ses domestiques, en état
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